J'ai un trésor intérieur, né avec moi

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- Avant de le perdre, je ne savais pas réellement à quel point je l'aimais. La réalité des choses, c'est qu'on se rend compte comment on aime une personne, seulement quand elle est partie. C'est ce qui s'est passé pour ma part. Toute ma vie j'ai fais ce qu'on me demandait de faire, et ça allait jusqu'à pour qui je pouvais tomber amoureuse. Mais malheureusement, ce sentiment que l'on appelle "l'amour" ne se contrôle pas. Les gens ne peuvent pas choisir à votre place qui vous décidez d'aimer, et ça sera toujours comme ça, jamais ça changera. J'ai cette maladie, une maladie qui fait partie de moi, et qui créer une barrière entre moi et le monde réel. C'est aussi peut être pour ça que mes parents ont eu tellement envi de contrôler ma vie sentimentale. Je m'appelle Hayley Mason, et je suis une survivante de la leucémie. Et vous allez sûrement trouver cela idiot, mais si un jour, une personne me proposait de me guérir, ou tout simplement de me ôter cette maladie, sans y réfléchir, honnêtement, je répondrai non. Et je lui expliquerai que aujourd'hui, je ne pourrais pas vivre sans ma maladie. Ma leucémie est intense certes, mais si je n'avais pas une leucémie, je ne serai pas Hayley, je serai une autre personne totalement différente de celle que je suis. Cette maladie fait partie de moi, cette maladie est la chose qui me définie. Quand les gens parlent d'une personne, ils l'a définissent par rapport à sa couleur de cheveux, à son physique, à ses yeux, mais moi, on me définis comme la malade. Pour certaine personne, ça peut être dur que des gens la définisse comme ça, mais moi, je n'est pas cette sensation. Je me sens quelque peu "spéciale". Mais vous m'entendrez jamais dire que j'aime ce que je suis.

- Waw, c'était... émouvant, merci Hayley.

   La réponse de cette femme n'était pas assez suffisante à mes yeux. Émouvant ? C'était tout ce qu'elle avait à dire ? J'ai eu comme l'impression qu'elle trouvait ça normal ce que je venais de lui raconter. Cette femme est là pour écouter mes problèmes, et me donner des conseils, on est pas à un casting. Et ce "merci Hayley" montrait encore plus qu'elle me trouvait pathétique. La personne pathétique dans tout cela, c'est elle. C'est vrai après tout ? Elle se fiche totalement d'un discours d'une adolescente atteinte de la leucémie, ça, c'est pathétique. A vrai dire, entre toute les infirmières de l'hôpital, cette femme est celle que j'apprécie le moins. Quand on lui parle : qu'on soit un homme ou une femme, grand ou petit, on a comme l'impression qu'elle ressent ça comme une contrainte. Je préfère largement cette infirmière noire de peau, avec les cheveux dans tout les sens ! C'est vraiment une femme gentille, un peu comme une confidente. Elle s'appelle Hannah, il me semble. Il faut savoir que j'ai une très mauvaise mémoire pour retenir le prénom de tout le monde ! Et la réalité des choses, le seul prénom que j'ai retenu, c'est celui de mon voisin de chambre. Un certain Lewis James. Lui aussi a une maladie, la mucoviscidose. Il est comme moi, il pense comme moi, que sa maladie le défini. Lewis et moi, nous nous connaissons depuis quatre ans un peu près, il m'a soutenu à chaque obstacle que j'ai dû surmonter, et j'ai agis de la même façon pour lui. Que ce soit pour ses soins quotidiens, ou même pour ses petits copains ! Et oui, ce que j'aime chez Lewis c'est ce côté là de sa personnalité, et l'année dernière nous étions trois jeunes à vivre à l'hôpital, mais notre autre partenaire a eu un accident de parcours et n'a pas pu passer la case suivante du calendrier, il n'a pas eu assez de force pour affronter l'obstacle de la case du 2 février à la case du 3 février. Dylan Lee, jamais j'oublierais ce nom, jamais. Il avait la tuberculose pulmonaire, cette maladie nous a détruit Lewis et moi, sans même nous avoir contaminé. On a jamais vraiment eu de contact avec Dylan, Lewis et moi, car les médecins nous interdisaient de l'approcher, au risque qu'il nous contamine, "on ne sait jamais" disaient les médecins. Je pense que c'était surtout parce qu'on le "déconcentrait" dans son planning de journées, c'est à dire : qu'il ne prenait pas tout le temps ses traitements comme il le fallait, mais aussi car il pouvait nous transmettre sa maladie, et aujourd'hui, il me manque, heureusement que Lewis est encore là, lui. En parlant de Lewis, cet après-midi nos parents viennent nous retrouver, et nous allons sûrement déjeuner tous ensemble, la mère de Lewis a insisté, et elle a été claire là dessus, alors je dois me faire jolie, et ensuite j'irai aider Lewis à se préparer. Mais avant tout cela, il fallait absolument que j'aille dans la salle d'attente jouer du piano, alors je pris mes grandes lunettes rondes, les posa sur mon nez, détacha mes cheveux châtains, et enfila un long t-shirt. Je pris l'ascenseur pour descendre au rez-de-chaussée, et m'installai sur le siège posé devant le piano. Je posai à peine mes doigts sur le piano, qu'une foule pas possible était là, debout, autour du piano à me contempler, Lewis aussi était là. Il avait une simple chemise de nuit que l'hôpital nous donne, les cheveux en batailles, et bien évidemment, il était pied nu, comme d'habitude. « Tu vas attraper froid » lui disais-je sans cesse, mais il n'en saisissait jamais rien. Mon "Clair de Lune", composé par Claude Debussy, envahissait la salle entière, et plongea tout le monde dans un silence qui me semblait éternel. J'entendais des chuchotements, mais je ne comprenais pas ce qu'ils disaient.

- C'est magnifique, d'où connaît-elle cette musique ? Questionna un patient a Lewis.

- De Dylan Lee, lui répondit Lewis sans prêter réellement attention à la question.
Il n'avait pas vraiment besoin d'expliquer qui est "Dylan Lee", car tout le monde le connaissait dans notre petite ville, tout le monde savait tout sur lui, sur ce qu'il lui est arrivé. Mon morceau terminé, je me levai à toute vitesse pour retourner dans ma chambre, et Lewis qui courait derrière moi pour me rattraper.

- Dylan aurait été content que tu le joues pour lui, ou que tu le joues tout court.
Je rentra dans un excès de colère, je me retournai pour regarder Lewis, que son regard fixait déjà le miens.

- Lewis, tu sais que je t'aime, et j'aimais autant Dylan que toi, mais je t'en pris, arrête de parler de lui comme si tout allait bien. Non, tout ne va pas bien Lewis, il est mort. Et jamais on aura pu être de vrais amis, des amis normaux, des amis qui vont au café ensemble, qui déjeunent ensemble, qui font les magasins ensemble. On a même pas pu lui dire au revoir, qu'il était déjà parti, et ça pour toujours. Jamais on le reverra, et je suis comme toi, je revois encore sa chevelure noire tournoyer dans le vent, avec son plus grand sourire. On a tout les deux là même image de lui dans notre tête, et c'est ça qui me met le plus hors de moi. On n'a seulement une seule image de lui dans notre tête, pas deux, pas trois, il y en a qu'une. On pourra jamais se partager des moments incroyables vécus ensemble hors de l'hôpital. Les seuls souvenirs qu'on partage, c'est nos appels vidéos quotidiens, c'est tout. On a même pas de photos de lui, t'imagine ça ? Pas une. C'est désespérant.
Je m'arrêtais net, et fermais la porte très rapidement, en y laissant derrière, Lewis, presque en larme, presque à bout. Je m'écroulais à mon tour à terre, sans bouger pendant dix longues minutes. Dylan envahissait mes pensées toute la journée. La porte frappa :

- Hayley ? Tu es là ?
Lewis enter-ouvra la porte pour essayer d'y entrer. Je me leva, et Lewis pu y entrer. Il me serra fort dans ses bras, et le chuchota à l'oreille :

- Tu es forte, tu l'aimais, il t'aimait, et il t'as sauvé la vie, parce que si votre relation allait plus loin, tu aurais attrapé la mononucléose, comme lui.

- Pourquoi il a fait ça ? Disais-je pleine de colère, étouffée par l'épaule de Lewis.

- C'était la seule solution à ses yeux.
  Plus Lewis me parlait, plus je hurlais de chagrins et de colère. Il avait ses mains posées sur mon dos, et la seule chose dont j'avais envie, c'était rester là, avec lui, pendant des heures, sans m'arrêter de pleurer. Ça fait déjà trois jours et trois nuits que Dylan est parti de son plein gré, et plus le temps passe, plus je souffre. Mon cerveau est en train de développer une sorte de "manque".

- Ferme ce livre, et ouvres-en un autre. Continua Lewis.

- J'ai pas envie de changer de livre moi, celui-ci me convenait très bien, mais Dylan a décidé d'arracher les pages de la fin, et maintenant il veut que j'en achète un autre pour le remplacer.
  Je me décollais de Lewis, et passa mes mains sur mon visages pour sécher mes larmes.

- A toute à l'heure Lewis.
  Il sortit de la chambre, et me lança un dernier sourire avant que nos visages ne soient plus dans le champ de vision de l'autre.

Before youWhere stories live. Discover now