Rᴜʟᴇ Nᴜᴍʙᴇʀ Fᴏᴜʀ [Tᴏᴍᴇ 1]

Chapitre 50

Ellyn

Mon sac sur l'épaule, je traverse le parc du campus pour rejoindre les dortoirs des filles. Dans mon esprit, le visage de Ash' et son sourire en découvrant notre surprise pour son anniversaire apparaît. Je ne l'avais jamais vu avec cette expression. C'est comme s'il vivait ça pour la première fois. Plus je passe de temps avec lui, plus j'ai la sensation qu'il rend la moindre petite chose unique. J'adore ça.

Encore une fois, je me suis ouverte à lui. Je tenais à ce qu'il sache que je lui fais totalement confiance et je souhaitais en faisant ce geste, l'encourager à se confier lui aussi. Il ne l'a toujours pas fait. Plus ça va, plus je me dis que ce qu'il cache est beaucoup plus gros que ce que j'imagine.

J'entre dans le bâtiment, monte jusqu'à l'étage où se trouve ma chambre et fronce les sourcils en découvrant un morceau de papier, coincé entre le battant et l'encadrement. Curieuse, je le saisis, le déplie et découvre un mot de Ash'. Il me demande de le rejoindre dans sa chambre. Perplexe, je tente de comprendre comment il a pu laisser ça ici alors que l'accès est interdit aux mecs. Enfin, en ce qui le concerne, il ne s'arrête pas à ce genre de choses. Seulement, il doit savoir qu'à l'inverse, je n'ai pas le droit d'entrer dans la résidence des garçons.

Je pousse la porte, excitée à l'idée qu'il m'ait préparé une surprise et dépose mon sac sur le lit. S'il veut que je le retrouve là-bas, ce n'est certainement pas pour rien. Je compte bien m'y rendre. De toute façon, c'est pas comme si je savais pas comment entrer sans me faire prendre.

J'abandonne mes affaires, puis sans perdre une seconde, quitte la pièce. Les cours se terminent, les étudiants sont tous en train de rejoindre leur chambre ou la bibliothèque. Une fois dehors, le sourire aux lèvres, je traverse le parc à l'ombre des arbres et emprunte la petite allée qui contourne l'annexe réservée aux mecs. Sans surprise, c'est beaucoup moins surveillé que les dortoirs féminins. La porte de service à l'arrière d'où le personnel va et vient n'est pas verrouillée. C'est par là que je passais lorsque je rejoignais Tyler en douce.

Un coup d'œil pour vérifier que la voix et libre et je m'engouffre dans le couloir pour atterrir ensuite dans la réserve où sont stockés les produits ménagers. Des voix me parviennent du hall et j'attends qu'elles s'éloignent avant de sortir pour trottiner jusqu'aux escaliers. Je croise quelques types qui me regardent passer, mais ne m'en soucie pas. Ce n'est pas eux qui iront me balancer. Chacun d'eux ici a déjà essayé au moins une fois de faire rentrer sa copine.

Devant la chambre 444, j'inspire, pose ma main sur la poignée et entre.

Instantanément, je me fige. Tout est sens dessus dessous. Quelqu'un a tout retourné et je ne sais même pas où donner de la tête. Que ce soit les armoires, les lits ou les bureaux, celui qui a fait ça cherchait forcément quelque chose. Ou bien, c'est encore une vengeance des Hater's. Je comprends au même moment que ce n'est donc pas Ash' qui m'a invitée. Dans ce cas, pourquoi vouloir que je me pointe ? Ça n'a aucun sens. Si ce n'est pour voir le désordre qu'ils ont mis, je vois pas l'intérêt.

Alors que je vais pour sortir mon téléphone, afin de prévenir mon copain, une pochette cartonnée posée sur son bureau attire mon attention. Ou plutôt ma photo accrochée après. Hésitante, j'approche l'attrape et les yeux rivés dessus, je relis encore et encore le mot « confidentiel » trônant en plein milieu. Un mauvais pressentiment me submerge et je m'assois sur le bord du lit avant de l'ouvrir. Je parcours les premières lignes sans trop comprendre de quoi il s'agit, puis à mesure que j'avance dans ma lecture, mon cœur bat de plus en plus fort. Un contrat signé de la main de mes parents me prend à la gorge et lorsque je comprends qu'ils ont engagé Ash' comme garde du corps pour veiller sur moi, les larmes me montent aux yeux. Il n'a pas pu me faire ça.

Je me répète cette phrase en boucle dans ma tête sans abandonner mon investigation et plus j'avance, plus tout s'éclaire. Son comportement. Celui de mes parents. Mon impression d'être suivi. La réaction de Ash' quand cet inconnu m'a observé chez Mia et le fait qu'il débarque comme s'il était juste à côté.

Une douleur traverse ma poitrine lorsque je réalise qu'il m'a menti et la seule chose qui me vient à l'esprit, c'est de savoir s'il a fait semblant à tous les niveaux. La gorge nouée, je referme le dossier et reste figée. Tout se bouscule dans ma tête et les larmes roulent sur mes joues. Pourquoi est-ce qu'il m'a fait ça ?

Il aurait très bien pu se contenter de veiller à ma sécurité. Pourquoi aller aussi loin ? Pourquoi me faire croire qu'il tient à moi ?

Le document toujours entre mes doigts, mes mains tremblent sans que je puisse le contrôler. J'ai beau me dire que je me suis fait avoir, je n'arrive pas à y croire. Comme un automate, je me redresse et délaisse la pochette sur le lit. J'observe la pièce autour de moi, puis l'envie de fuir tout à coup me prend aux tripes. Guidée par mon instinct de me trouver le plus loin possible d'ici, je me rue vers la sortie de la chambre et manque de percuter Ash'. Il balaye rapidement le désordre de ses billes claires, puis ses yeux tombent sur mon visage baigné de larmes. Sa carrure imposante me bloque le passage et la panique traverse ses iris.

— On t'as fait du mal ?

En une fraction de seconde, c'est la colère qui bouillonne en moi qui prend le dessus. Je plante mes pupilles dans les siennes, le regard froid et me prépare à le contourner.

— Non, ta petite protégée va bien, craché-je.

Il se raidit, repère le dossier confidentiel sur sa couette et je me faufile comme je peux entre le montant de la porte et lui en prenant un soin tout particulier à ne pas le toucher.

— El' ! Je peux t'expliquer, attends !

Seulement, je continue de tracer, sans m'en apercevoir, je me mets à courir. L'écouter ne servirait à rien. Dans l'immédiat, je ne m'en sens pas capable. J'ai bien trop mal. Je me sens bien trop trahie pour lui laisser une chance de se justifier. D'ailleurs, il n'y a rien à justifier. Il m'a menti, il a joué, il m'a fait croire qu'il tenait à moi. Quoi qu'il ait à me dire, je ne pourrai pas le croire. Pas maintenant.

Lorsque je surgis dehors et passe devant Brad en larmes, il se fige et m'observe filer. Il m'appelle, inquiet, mais je ne m'arrête pas. Cette fois, c'est la tristesse qui m'envahit et je décide de ne pas lutter. Je la laisse éclater.

Ash' est celui à qui je me suis raccroché lorsque le droit de danser m'a été enlevé. Si je ne l'ai plus lui non plus, alors, je n'ai plus rien.