Chapitre 49 : L'Offrande de Lopten

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Les Noces n'en finissaient pas. 

Sinmara avait prêté une attention plus que limitée aux hommages de Musspelheim.

Un ramassis de parades bestiales et primitives. Le Feu brûle, l'Eau mouille. Il n'y a rien de plus à en retenir.

Heureusement, les danseurs finirent par rendre ses ténèbres à la Nuit. La tête posée sur l'épaule de Siegfried, Sinmara soupirait d'autant plus de soulagement que Surt avait préféré rejoindre ses courtisans. La soirée aurait presque pu devenir agréable si Lopten ne s'était pas levée, solennelle et menaçante.

L'heure était aux offrandes, avait-elle décrété.

Sinmara ne voulait rien recevoir. Comment pouvait-elle accepter les présents de ceux qu'elle abandonnait ? Les Morts étaient emplis de compréhension et d'une bienveillance qu'elle ne méritait pas. Ils se regroupaient, les mains chargées de richesses, comme des peuples soumis condamnés à honorer le roi venu envahir leurs terres.

Les Elfes lui offrirent, au nom de leur royaume, un somptueux bracelet qui couvrait tout son avant-bras. Le bijou était lourd, serti d'émeraudes taillées en forme de feuilles, et paré de fleurs figées par un sortilège délicat, que Sinmara se refusa à déjouer et qu'elle se contenta d'admirer.

Les Nains surenchérirent naturellement – il en allait de leur réputation. Ainsi, quatre d'entre eux s'avancèrent. L'un, à la carrure fluette et à la barbe éparse, présenta une fiole, qui semblait renfermer un rayon de lune. Le bouchon sauta avec un bop ! et libéra un envoûtant parfum d'orange, de cendres et de chrysanthème.

Qu'est-ce ? La question se propageait le long de la table royale. Siegfried, fronçait les sourcils avec curiosité. Sinmara se redressa.

« V... Votre Main, S'il vous plaît, Majesté.

- Avec grand plaisir, Seigneur Brokk.

- Vous co... Vous connaissez m...mon nom...

- Ne soyez pas si modeste. Tout le monde connaît le forgeron des dieux. »

Prise au jeu, elle lui offrit sa main d'Os. Celle de Brokk était moite. Les regards pesaient sur le moindre de ses gestes. Le lobe de ses oreilles virait au rouge vif. Les Elfes devaient se tenir à l'affût d'un échec mais leur jalousie ne le préoccupait pas autant que l'œil prédateur de Kàra.

Brokk versa une seule goutte de l'arcane au creux de la paume.

Soudain, un phénomène merveilleux se produisit.

La perle de lumière déploya de longues pattes soyeuses. De concert, elles se mirent à tisser une toile de tendons, de ligaments, de nerfs et de chair d'une transparence cristalline. Sinmara n'osait pas bouger. Sans mot dire, elle contemplait le réseau de veines et de muscles, recouvrant ses phalanges, passant le cap de son coude, escaladant son épaule, chutant du haut de ses vertèbres vers sa cage thoracique et dévalant sa jambe. Elle n'osait y croire. La chaleur enveloppait ses articulations comme un onguent et recouvrait son squelette d'une fine musculature. Cet écrin enchanté de chair sublimait la nature de Sinmara ; qui y perçut, pour la première fois, une beauté toute singulière.

Lorsque l'œuvre fut achevée, Brokk recula d'un pas, avec un hochement de tête anxieux. Sinmara ne parvenait à se détacher de l'étonnant spectacle de cette main de cristal, obéissant à sa volonté, débarrassée du froid de centaines d'hivers.

« C'est un extraordinaire présent, Seigneur Brokk. A la hauteur de votre réputation et amplement digne de celle de Nidavellir. Ceux que vous représentaient ce soir peuvent être aussi fiers que vous.

La Reine de Helheim [Tome 3]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant