Juѕтe deѕ мoтѕ

petit récit - alcool et prince charmant

Je divague sous le gramme d'alcool qui se confond avec mon sang. La petite ville danse sous mes yeux, faiblement éclairée par quelques lampadaires flous. L'air est frais, mes joues bouillantes.

- Anne, tu délires, il faut que tu t'arrêtes là.

Laurie râle de ne pas réussir à me rattraper ; je cours dans tous les sens. Du moins, j'essaie de courir, car mes jambes refusent d'obéir, mon corps n'avance plus droit. Je bégaie une réponse inaudible à mon amie, puis m'effondre sur le sol congelé devant une boulangerie. Enfin, je crois que c'en est une.

- Ok, ne bouge pas Anne, j'appelle Maxime pour qu'il vienne nous chercher. Je ne sais pas où est la voiture, je suis un peu perdue aussi. Heureusement que je n'ai bu que...

Je ne l'écoute plus. Mon attention est reportée sur une craie rouge d'écolier, abandonnée par terre. Je l'attrape. Même défoncée, la fille si ordonnée que je suis connaîtson numéro de téléphone par cœur et, à ce moment-là, mon cerveau se dit que la meilleure idée du monde est de l'écrire à même le bitume froid.

Je me mets à la tâche, confondant plusieurs fois le 6 avec le 9, faisant des ratures et réessayant encore. Je recule légèrement la tête pour regarder mon chef-d'œuvre, pendant que Laurie remercie encore une fois notre meilleur ami. Les chiffres me paraissent lisibles. Dans ma tête, mon esprit s'enflamme. Et si jamais un beau garçon tombait dessus et m'envoyait un message ? C'est le genre de truc qui arrive, d'habitude, dans les romans. Avec un peu de chance, je ne tomberais pas sur un vieux trou du cul ou sur une connasse comme moi qui espère trouver son prince charmant en ajoutant un contact trouvé dans la rue - le mien, malheureusement pour elle.

- Allez ma belle, on se lève, il arrive dans 5 minutes. On va l'attendre sur le banc là-bas, ce sera plus confortable.

Laurie me tire par le bras de toutes ses forces en pointant l'endroit du doigt. Je proteste et roule sur le sol, finissant à 4 mètres de là. La craie n'est plus dans ma main. Avec la pluie qui manque de tomber, mon prince charmant doit passer avant le lever du soleil, ou le numéro sera effacé. Je dois le dire à mon amie pour qu'elle prenne en photo ma bêtise qu'elle n'a pas l'air d'avoir remarqué. C'est une question de vie ou de mort, me crie mon cerveau loin d'être sobre.

- Lauriiie, ze doit diiire... p'ince cha'mant- haha arriv' pu à parleeer.

J'éclate de rire, serrant mon ventre et roulant à nouveau, salissant ma robe bordeaux. Je ne sais pas si Laurie me trouve hilarante ou se moque, mais je l'entend rire avec moi.

- Arrête de te tourner comme ça espèce de gourde, on voit ta culotte avec cette robe trop courte.

Elle rit de plus belle, s'asseyant à mes côtés et me fixant tendrement de ses prunelles vertes, comme si notre amitié était à ses yeux la chose la plus précieuse qu'elle possédait. Je veux lui faire comprendre qu'elle est et restera ma meilleure amie pour toujours, mais mon esprit juge plus important de gratter mes ongles contre le goudron, se demandant si ça va me faire un verni noir gothique. Le temps passe, l'alcool s'insinue davantage, s'engouffrant au plus profond de mon être et aux confins de mon âme. J'oublie ma triste vie, mes sens sont annihilés et je n'ai plus conscience en grand-chose, jusqu'à ce que des phares éclairent nos deux visages enivrés. Maxime sort d'une voiture, un air paniqué sur le visage, mais rassuré de nous voir en vie. En nous découvrant ainsi, l'une sur l'autre au milieu de la rue déserte, je sais qu'il retient son rire.

- Anne, Laurie ! Je vous avais dit de ne pas boire, cette fois ! Surtout toi, Anne. (il me prend dans ses bras, plus précisément sur ses épaules, et m'emmène dans sa caisse.) Il est temps que tu te trouves un mec, je n'en peux plus de réparer vos conneries.

Je pouffe à nouveau, agripant sa belle chemise.

- Arrête de te dandiner comme ça, on voit ta culotte, ajoute-t-il en me posant sur le siège arrière.

- Je lui ai déjà dit, s'esclaffe Laurie, mais elle fait exprès de ne pas nous écouter. Elle m'a dit un truc à propos d'un prince charmant, mais je n'ai pas tout compris...

D'un coup, black out. Mon cerveau cesse d'écouter, se déconnecte de la réalité et s'envole, me laissant seule avec mes pensées désordonnées. Une obscurité totale m'enveloppe, m'emmenant vers des rêves parfaitement abstraits. Je suis réveillée par des vibrations désagréables. Je me redresse dans des draps qui ne sont pas les miens, regarde vers ce qui semble être une table de chevet. L'écran de mon téléphone illumine la pénombre, me faisant mal aux yeux. Je m'approche ; 5 nouveaux messages y sont affichés.

27 mars 2023

Je viens d'écrire une suite potentielle :

Je me redresse dans mon lit et attrape mon portable à pleine main, stupéfaite.

《 Hello !
Moi c'est Kelian
Fan de Spider man
Pourquoi ton numéro est écrit sur le sol de ma rue ?
T'inquiète, il a plu ce matin et il n'y a plus rien, je dois être le seul à l'avoir noté 》

J'éclate de rire, regarde autour de moi, et sors de la chambre qui semble être celle de mon ami.

Une passionnante aventure se profile à l'horizon.

1 janv 2024