15 - Le bouc émissaire

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Si au début, la gare arborait le silence d'un cimetière et le froid d'une belle journée d'automne, maintenant qu'on avait distribué les tickets, un tumulte insupportable s'éleva et la tension avait monté d'un cran. Dans la dernière rangée, une mère pleurait pour son fils, un gosse de six ans qui devrait traverser vers les Enfers. N'ayant pas trop compris, un couple était venu s'adresser à la fille du cabinet. L'homme devait retourner, contrairement à la mariée qui elle doit suivre le gosse de 6 ans. En avant, un type noir avec une affreuse cicatrice au visage, malgré son voyage imminent, restait calme. Si Jacob l'avait rencontré dans une kamyonèt pour Carrefour de l'aéroport, ou pour Pétion Ville, il aurait flippé grave. Pas loin, un vieillard se réjouissait pour avoir encore une fois défié la MORT.

Figé sur place, les mains tremblantes, Jacob regardait son ticket. Définitivement, La MORT avait joué toutes ses cartes. Et si... et si c'était lui la cible, dès le début ? Et si tout ce cirque n'existait que pour l'atteindre ? Il jeta un coup œil vers Marcel. Malgré son ticket valide pour retourner à la vie, il avait l'air inquiet. Jacob regarda au verso de son ticket, l'heure de son voyage s'approchait. Dans le mur, tout en haut du cabinet, une horloge indiquait 3 heures 05 minutes or que, son voyage était prévu pour 3 heures 55 minutes. Stressé, il sourit machinalement. Pourquoi la vie avait-elle autant de valeur ? Pourquoi se sent on si mal en voyant la fin s'approcher ? Pourquoi sommes-nous obligés de mourir ? Malheureusement, il n'avait aucune réponse à ses interrogations.

Jacob retourna à sa place. Marcel l'imita. Le bruit de la gare lui donnait le tournis. La jeune mère n'arrêtait pas de pleurer, pourtant son fils était serein. Le couple s'entrelaçait, dans d'autres circonstances, ils auraient trouvé cela romantique, mais là... c'était stressant.

-    Laisse moi voir ton ticket ?

Distrait, il allait tendre son ticket vers Marcel, lorsque tout à coup, il changea d'avis.

-    Qu'est-ce que tu fais, grimaça Marcel.

-    Je sais ce que tu mijotes.

-    De quoi est-ce que tu parles ?

Jacob quitta son siège et alla se poster un peu plus vers le cabinet. N'ayant pas compris son geste, Marcel le suivit.

-    Je ne comprends pas, qu'est-ce que tu racontes ?

-    Tu veux échanger les tickets.

-    Non, pourquoi je ferais ça ?

-    Marcel, je te connais, pense à toi pour une fois, arrête de tout sacrifier pour les autres.

Marcel changea de ton.

-    Non, je te le jure, ce n'était pas mon intention.

Jacob s'approcha de lui, mais en prenant le soin d'empocher son ticket. À présent, ils se défièrent du regard.

-    Qu'est ce qui te prends ? lui demanda Marcel.

-    Je refuse que tu fasses ça, tu as une femme qui t'attend et un bébé que tu devrais attendre. Pense à ta famille.

-    Je ne vois pas du tout de quoi tu parles. Je voulais simplement voir l'heure de ton voyage.

-    Oh ! Tu n'avais qu'à le demander. 3 heures 55.

-    En plus toi aussi tu fais partie de ma famille.

Jacob ne répondit pas.

Marcel jeta un coup d'œil vers l'horloge située tout en haut du cabinet, il était 3 heures passer de 9 minutes. Il sentit son cœur arraché de sa poitrine. Même après tout ce combat, toute cette péripétie, il allait perdre son frère. Il maudit le vieil homme.

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