L'Escorte

Connexion #14

Vous n'allez jamais, jamais me croire. J'ai trouvé qui était Raven ! Sans rire. D'ailleurs, ce n'est pas très drôle : je l'ai trouvé endormi sur le canapé du salon en rentrant de chez ma meilleure amie. Déjà, bonjour la discrétion : mes parents seraient bien sûr RAVIS de trouver un splendide jeune homme inconnu étendu en une pose lascive sur le sofa...

- Raven !

- Grmlbrlmbr...

- Eh ! Raaaaven !

- Va-t'en...

Il s'est enroulé sur lui-même et m'a ostensiblement tourné le dos. Même quand il est inconscient, monsieur m'ignore.

- Merci, ça fait plaisir...

- Hmmm.

J'ai posé mon sac sur le sol et ai soupiré. J'allais lui brancher du Rammstein sur les baffles du salon pour le réveiller lorsque j'ai remarqué une chose. Ou plutôt trois. La première, ça a été un mouchoir en papier chiffonné et humide sur lequel je venais de poser mes genoux. La deuxième, un autre mouchoir blanc que Raven tenait encore serré dans sa main gauche. La troisième, bien plus riche en renseignements, a été une feuille de papier pliée dans le sens de la longueur que le jeune homme tenait du bout des doigts dans son autre main.

J'ai eu l'impression de faire une partie de Docteur Maboul. Dès que je faisais glisser le papier un peu trop vite des doigts de Raven, ce dernier se mettait à grogner, et je m'immobilisais.

C'est sous un Yesssss de victoire que j'ai déplié la feuille, froissée en son milieu par la poigne du garçon.

Au fond, je n'aurais pas dû faire ça...

« Clancy,

Non, vous n'êtes pas mon frère. Je vous consacre quelques minutes uniquement pour régler cette affaire une bonne fois pour toutes. Vous n'êtes pas mon frère et ne vous avisez plus de vous approcher de ma famille. Mon fils n'a rien à voir avec vous. Je ne sais pas quand et comment vous avez réussi à découvrir mon adresse, mais oubliez-la si vous ne voulez pas vous retrouver face à des ennuis terribles.

Je vous tiens comme l'unique responsable de la mort de nos parents. Et responsable, vous l'êtes. Vous portez leur sang sur vos mains. Sans parler de toutes ces choses inavouables que vous faisiez et qu'ils tentaient de cacher à notre famille.

Vous me sembliez avoir trouvé une bonne place, pourtant ; à la morgue.

Ne vous avisez pas de vous approcher de ma famille. Je n'hésiterais pas à alerter les autorités et, si besoin est, à éliminer toute gêne excessive, comme vous saviez si bien le faire.

Adieu.

Dimitri Orlov. »

En tremblant, j'ai replié la lettre. J'ai juré à cet instant que si Raven ne se réveillait pas, je cesserais de fouiner ainsi dans le passé de mes oncles.

Il ne s'est pas réveillé. J'ai placé le papier replié entre ses doigts.

Et puis j'ai sorti l'album live de Deep Purple, ai choisi Smoke on the water, ai poussé le volume à fond sur la chaîne hi-fi, et ai laissé le jeune homme émerger.

Que dire, que faire ? Raven est donc suspecté du meurtre de ses parents, a fait des choses inavouables et son prétendu frère ne veut plus le voir.

Bon, d'accord, Raven n'est pas un enfant de chœur, mais c'est tout de même lui qui s'est occupé de moi les premières années de ma vie, sans l'aide des autres oncles !

Qu'est-ce que c'est que cette histoire... Raven n'est quand même pas un meurtrier ! Jamais Jonah ne l'aurait laissé s'approcher de moi, sinon.

En se réveillant, j'ai remarqué qu'il avait les yeux rouges. Vu que je l'avais un peu surpris, il m'a hurlé dessus et j'ai fait semblant de me fâcher : je ne me suis pas trahie par un quelconque rougissement. Il est parti en claquant la porte.

J'ai de la peine pour lui. Ça ne doit pas être facile de recevoir ça de la part de son propre frère.