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Sept jours plus tard exactement, alors que je buvais ma soupe avec concentration pour ne rien renverser, j'ai entendu une petite voix m'appeler.
Je me suis tournée vers celle-ci et fus très étonnée de remarquer une Jeanne gênée devant la table.

   -Inaya, je peux te parler?, a-t-elle doucement demandé.

J'ai accepté et ai deviné à son regard qu'elle entendait par là une conversation seule à seule. Je me suis levée de la table que j'occupais avec Telma et Elyse et l'ai suivie jusqu'au préau.
Là-bas, nous avons pris place sur un banc, mal à l'aise l'une comme l'autre.

   -Écoute, Inaya, je ne sais pas comment te dire ça mais j'ai parlé avec Lukas, a-t-elle commencé. 

Rien qu'à l'entente de ce prénom, j'imaginais déjà le pire mais je n'ai fait aucun commentaire pour la laisser continuer sur sa lancée.

   -Il m'a raconté que mon état t'inquiètait. Je t'en remercie, d'ailleurs.

Elle a souri, d'un sourire bien plus sincère que celui du vendredi dernier. Ça m'a touché qu'il me soit destiné.

   -Je n'ai peut-être aucune raison de t'expliquer ce que je compte t'expliquer mais je n'ai pas envie que tu te fasses du sang d'encre pour moi. Et encore moins pour une raison pareille.

Je lui ai prouvé du regard que je l'écoutais. Pour finir, Lukas avait pris en compte mes paroles et avait été faire les choses à ma place.

   -Je suis sortie pendant deux ans avec un garçon adorable, aimant et tout ce qui s'en suit, a-t-il commencé. Mais il a décidé de mettre fin à notre relation sans me prévenir.

Ça m'a étonné. Jamais je n'avais pensé à une chose pareille et c'était bien la plus plausible pour une fille de dix-sept ans.

   -C'est bête mais j'en étais amoureuse. J'en suis amoureuse.

   -C'est à cause de lui que tu t'es mise dans des états pareils?, ai-je maladroitement demandé.

    -Oui. Il a eu une relation avec Victoire, qui a été ma meilleure amie pendant six ans.

Elle s'est mise à pleurer sur ses quelques mots. Je ne savais pas comment réagir donc je lui ai tendu un mouchoir.

   -Les temps ont tendance à changer, Jeanne.

Le sourire qu'elle m'a envoyé suite à ces paroles inappropriées a fait disparaître ses cernes, sa fatigue et lui a rendu ses vrais traits. Elle est alors redevenue Jeanne.

La Jeanne souriante de mon cours d'allemand.

Fin

JeanneWhere stories live. Discover now