Septembre

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- Eh mais ta sœur elle s'appelle pas Mai ?

Tout en maudissant les imbéciles qui viennent de me lancer une fois de plus cette phrase stupide, je leur lance un regard assassin qui les pétrifient sur place. Bien. Mon regard vairon à au moins quelques avantages, dont celui de surprendre les gens à chaque fois. Et pour mon nom... Je me pose encore la question de se qui a bien pu se passer dans la tête de mes parents lorsqu'ils m'ont prénomée Septembre. Mai, Avril ça passait encore mais Septembre ? Non, je ne comprends définitivement pas leur choix. Ils n'avaient pas pensé aux moqueries que j'essuirai à la fac ? Eh bien non. Vraiment je déteste mon prénom.

Mais lui l'aimait bien. Il disait que cela faisait tout mon charme, avec mes yeux si particuliers. Que la première chose la première chose qui lui avait plus c'était mon nom, et que la seconde c'était mes yeux. Je ne le comprennait pas. Pourquoi ses traits là ? Je ne sais pas. De toute façon il est parti sans me le dire. Les larmes me montent aux yeux et une boule se forme dans mon ventre. Respire Septembre, respire. Ça passera... Peut-être.

Je me souviens encore de ce jour là. Nous voulions retourner sur la petite crique où nous nous étions rencontrés pendant un été. Et le lendemain matin, en me réveillant j'ai trouvé sur ma table de nuit un petit mot signé de son nom. Il n' y avait que son nom dessus avec une petite étoile. Pas un cœur pour me dire qu'il m'aimait. Une petite étoile. Je l'ai appelé sur son portable. Aucune réponse. Je lui ai envoyé des mails, des SMS j'ai hurlé son nom dans la rue. Il n'est jamais revenu. J'avais contacté la police, folle d'inquiétude. Une alerte disparution avait été comuniquée pendant quelques temps. Puis lentement, sa photo disparaissait des réseaux sociaux, des affiches au supermarché, celles accrochées aux révebères dans la rue. Il n'était plus nulle part et ça me faisait mal. Mal de savoir que je ne le reverrai jamais et que je n'avais pas eu le temps de lui dire "je t'aime". Mal de savoir qu'aucune famille ne l'attendait. Car il était orphelin, trouvé un soir le premier jour de l'automne. Le 23 septembre. Jour de mon anniversaire et du sien.

Depuis ce jour là, je me trimballais un cœur blessé, un esprit meurtri, une déchirure à l'intérieur de moi même, une cicatrice brûlante dans mon inconsient. Et avec tout cela, une question qui me tourmentait : Est-ce ma faute ?

Mes parents n'avaient pas compris ma peine si profonde que je m'y noyais. Eux qui me soutenaient depuis toujours ne m'ont pas aidée. Mon père me faisait une étreinte bourrue en me demandant si j'allais mieux et ma mère ne trouvait jamais les bons mots pour aborder le sujet, finissant tous les deux par abdiquer devant la douleur de cette fille qui leur était devenue étrangère. Ils ne comprenaient tout simplement pas que j'avais changé. La petite fille qui pouvait être consolée comme beaucoup d'autres avec un câlin ou un paquet de bonbon n'existait plus. Ses illusions s'étaient envolées avec la cruauté du temps qui nous berçe, ses rêves réduits en poussière par la réalité trop dure à accepter pour une fillette. Il ne restait plus rien de Septembre sauf peut être son corps vide, qu'elle emmenait avec elle partout, comme un immense doudou tout sale et déchiré, abîmé par les coups durs de la vie.

J'avais envie de croire en ces coups du destin qui faisait tourner le vent, gonflant les voiles du bateau que je tentais de manœuvrer pour reprendre les rênes de mon existence. Cependant, la tristesse, la rancœur et la soif de veangeance pouvait aussi bien faire vivre, oh oui, que je le comprenait si bien. Je croisait le regard de ceux qui n'avaient pas eu ma chance et qu'une tempête avait détruit leur bateau, laissant le fier navire couler sans que personne ne le remarque. Ces appels muets, je ne les voyait pas, je compatissait comme si je le vivait. En effet, je le vivait mais me sentais trop morte pour ressentir quoique ce soit. J'avais sombré en première, un ouragan m'ayant emportée avec pour seule préoccupation de me faire souffrir un peu plus avant de me relâcher pour mieux me reprendre. Voilà comment je pourrais décrire on quotidien. En revanche je ne m'apitoyais pas sur mon sort. Ça, vraiment, je détestait avec les gens qui me regardent de haut et qui me prennent en pitié. Ou qui me tendent leur mains.

Laissez moi en paix.

J'ai donc appris à supporter le poids des jours qui passent. À me regarder dans un miroir, observer cette fille avec un œil marron et l'autre vert, avec des longs cheveux bruns foncés qui lui tombaient à la taille, à la peau rosée comme beaucoup d'autres. Avec cette cette lune dorée sur mon index gauche, souvenir d'une rose épineuse. Lorsque que je lui racontais cette histoire, il riait et me taquinait. Quand il était d'humeur romantique, il disait que c'était moi la rose.

Il me manquait. C'était un petit bout de ma vie qui s'était détaché de mon cœur et de mon corps en me laissant ce matin là. Petit bout de vie que je m'efforçais de faire disparaître en effaçant soigneusement chaque photo, chaque SMS, son numéro de portable, enlevant son nom de la boîte aux lettres de notre appartement. Je donnais une adresse fausse à ses amis, son assurance et bien d'autres. Puis une fois que ce fut fini, je me refermais sur moi en attendant qu'il rentre. Cet espoir presque incongru, lui, je n'ai pas réussi à le sortir de ma tête mais j'ai essayé tant de fois que cela en devenait douloureux. Je me forçais, pleurait dans mon lit en espérant que les larmes qui couaient sur mes joues l'emporteraient avec elles. J'ai fini par déménager, quittant le nid, cette petite ville que je connaissais comme ma poche mais que je finissais par haïr, tant la vue de ces rues que nous arpentions m'était devenue insoutenable.

Avant de partir, j'ai laissé une lettre expliquant ce que j'ai décidé de faire à l'orphelinat où il avait grandi car je savais qu'il y retournait de temps en temps. Je me maudissais de mes actions mais j'avait été incapable de partir comme lui, sans rien dire pour s'évanouir dans la nuit.

J'ai rompu volontairement le dernier lien qui me raccordait à ma famille et mes amis en achetant un appartement plus petit que celui nous avions, en banlieue d'une immense ville, entre la campagne et la cité. De là, je repris tout à zéro en changeant d'université, en conservant toutefois mes options et ma voie. Dans cet espace nouveau, je m'épanouissais enfin une fois mon deuil accompli. Il ne reviendrait pas et j'avais accepté cette idée. Mais comme quand on arrête de fumer je faisais des rechutes, des sanglots me faisant sombrer à la vue d'un détail insignifiant qui me rappelait le "avant" quand j'étais cette Septembre heureuse et qui avait trouvé l'amour.

Mes proches sentaient le départ venir depuis assez longtemps et vu que je m'étais décidée, ils ne m'ont pas retenue. Je ne les appelais que très peu et juste pour la forme avec les formules d'usage : "Comment vas-tu", "Tout ce passe bien" et "Je te laisse j'ai du travail" formaient nos disscussion inintéressantes. Je culpabilisais un peu de couper les ponts aussi violemment en ne donnant pratiquement pas de nouvelles mais, au fond, je savais que c'était nécessaire.

Je ne revenais pas sur ces décisions prises, croyant du fond du cœur que je faisais bien.

SeptembreWhere stories live. Discover now