Chapitre 33 - Le devoir de mémoire

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C'est la dernière nuit et si l'on me demandait comment je voudrais passer ma dernière nuit avec la personne que j'aime, je pense que je dirais : Je veux simplement être dans ses bras pour une toute dernière fois. Honnêtement, je pensais qu'en sachant que Thomas repartirait, je serais envahie d'une tristesse que je n'arriverais sans doute jamais à surmonter, pourtant, je ne suis pas triste. Non. J'ai compris. J'ai réalisé que Thomas était important à cette guerre.

Parce que l'on ne se souviendra pas de lui.

On ne se souviendra jamais de lui, de son nom, de son visage, de son sourire, non. On se souviendra seulement de son geste. De son combat. On se souviendra des valeurs qu'il protégeait.

On se souviendra, peut-être, d'un soldat tombé là-bas.

Mais moi, je n'oublierais pas. Jamais. Je ne peux pas oublier. Si Thomas se bat pour me protéger, je me battrais pour garder son souvenir. Je me souviendrais de tout. De lui, de nos souvenirs. J'écrirais son nom autant de fois qu'il le faut. Je garderais en mémoire l'empreinte de ses baisers et la chaleur de ses bras.

Je me souviendrais de Thomas parce que je ne veux pas qu'il soit oublié. Je ne veux pas que l'on oublie que la guerre me l'a enlevé. Arraché. Je ne veux pas que l'on oublie que dans le peu d'amour que nous avons eu, nous avons énormément donné en retour.

Nous n'avons que ça à faire. Donner sans attendre de retour.

Donner en se demandant si demain il allait nous en rester encore.

On a jamais trop d'amour. C'est ce que j'ai appris.

Je pensais qu'avec la guerre Thomas changerait et transformerait mes sentiments. Je pensais que Thomas disparaîtrait sans que je ne puisse avoir le temps de le revoir. Mais ce n'est pas le cas. J'ai aimé Thomas et je l'aime toujours. Je l'aimerais encore. Encore plus fort. Parce que ce que je vis, ce que je ressens pour lui et la seule façon de me souvenir.

Je ne veux pas que l'on oublie Thomas, ni tous les autres comme lui.

Je ne veux pas que l'on oublie qu'un jour, tout peut disparaître. Le bonheur. L'amour. Toutes ces choses que l'on pense acquises...Elles peuvent s'envoler. Éclater comme un obus au milieu d'un champ de blé.

Alors, j'ai écrit. J'ai écrit son nom. Partout. Sur les lettres. Sur les feuilles. Sur les pages du livre de ma vie. J'ai écrit son nom en souvenir de cet amour qui jadis m'a fait croire que j'ai été plus importante que la guerre. Que l'horreur et le malheur. J'ai écrit le nom du seul homme qui m'a laissé croire que j'étais tout ce qui comptait pour lui. J'ai écrit le nom du garçon qui m'a laissé rêver en même temps que lui, les yeux ouverts.

J'ai écrit le nom d'un soldat.

Ce soldat, il s'appelait Thomas.

Cher ThomasTempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang