Daerôn

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Trois semaines sont passées depuis son arrivée sur Larn. Les populations ne savent pas où se trouve le Prince de feu. Mais lui le sait. Il se trouve dans la plus grande prison du Cercle. Sur Larn. Dans la prison obscure, celle dont on ne ressort pas vivant.

La Prison des Ombres.

Ceux qui sont emprisonnés sont les pires criminels du Cercle. Ceux qui ont tué, violé, torturé. Mais le pire, c'est leur geôlier. Celui qui les garde, qui les côtoie tous les jours et qui finit par devenir comme eux. Celui qui les manipule, pour mieux les utiliser.

Un objet métallique racle le sol en pierres noires. Un bruit qui lui est devenu familier. Un bol d'eau et du pain rassi, juste à côté, qu'on roule dans la poussière jusqu'à lui. Derrière les épais barreaux d'acier, il s'empresse de prendre le récipient. Ses doigts écorchés et ses poignets tuméfiés par de lourdes chaînes, viennent cogner contre les barreaux de sa cellule. Il essuie le pain avec un pan de son vêtement. Celui qu'il portait lors de son procès. Pas de douches pour l'héritier. Juste de quoi se nourrir pour ne pas mourir. Et cette obscurité permanente. Pas un rayon de lumière, rien. Juste le noir si angoissant de la prison. Et les soupirs, les cris, les râles à ses côtés, tout près et si loin à la fois.

Il expire bruyamment. Il donnerait n'importe quoi pour allumer une flamme entre ses doigts. Mais il en est incapable. L'acolyte de son père, un certain Marc, l'a hypnotisé et maintenant, il ne se rappelle même plus comment utiliser son pouvoir. C'est comme s'il l'avait enfermé dans un coin de sa tête et avait jeté la clé loin de sa portée.

Il boit lentement le liquide transparent. Il ne sait même pas si c'est de l'eau, mais il a fini par le boire pour éviter la déshydratation. Ça lui brûle la gorge tellement celle-ci est sèche. Il croque goulûment une bouchée de pain et tousse douloureusement à cause de la poussière qu'il avale tous les jours. Il garde un peu d'eau pour se laver.

Il se relève difficilement. Les poids accrochés à ses chevilles lui entaillent la peau et le font saigner. Il nettoie ses plaies. Elles ne doivent pas être infectées, ça le rendrait malade et encore plus faible. Il doit rester en vie jusqu'à ce qu'elle arrive.

Il soulève son t-shirt pour nettoyer ses plaies endolories. Relever ses bras est la douleur la plus insoutenable qu'il a connue jusqu'à aujourd'hui. Il grimace de douleur et laisse échapper un gémissement rauque. Ses yeux se posent instinctivement sur son tatouage, cette phrase qui ne le quitte jamais, ancrée à jamais sur son cœur. « Quand mon vent soufflera, j'étendrai mes ailes. Il ferme les yeux quelques instants. Il doit juste être patient et endurer maintenant. Il doit l'attendre.

Une fois sa tâche finie, il relève la tête. En face de lui, se dessinent les contours d'une forme inquiétante. Il en a découvert rapidement les traits lors de son arrivée. Les vestiges de la tête de la statue qui surplombe l'entrée du palais Larnien. La tête du soldat Traitre. La légende dit que le Seigneur Sérégon l'aurait décapité suite à sa trahison. C'est ce qui arrive aux prisonniers récalcitrants. C'est le bruit de la hache qui siffle dans le vent lorsqu'elle s'abat dans le cou des prisonniers rebelles. De ceux qui refusent de se laisser manipuler. Daerôn l'a déjà entendu. Et il se rappelle que trop bien du silence qui suit le coup de l'arme acérée et de l'angoisse bien trop palpable qui se répand entre les barreaux de la prison. Les murs en sont imprégnés si profondément qu'on pourrait la respirer.

Daerôn ferme les yeux et soupire. Combien de temps va-t-il s'écouler avant qu'il ne voie quelqu'un ou même quelques choses ? Il ne sait même plus si ses yeux sont ouverts ou clos. L'obscurité est trop épaisse et son ouïe est devenu tellement fine que même son propre souffle lui est devenu insupportable. Il jugerait même entendre le battement plus ou moins régulier de son propre cœur. Et c'est ce bruit régulier qui rythme ses journées, qui l'empêche de sombrer dans la folie. Parfois, il s'autorise à plisser les yeux pour tenter de voir une silhouette, une ombre. Mais il finit toujours pas s'endormir, et le bruit de la hache qui pend dans les airs juste au-dessus de sa tête le réveille en sursaut. Pendant ses premiers jours, il ne dormait pas, trop occupé à surveiller l'arme, à compter ses aller-retour dans la brise glaciale de la prison. Il s'empêchait de fermer les yeux, pour constater son éternelle présence, pour vérifier que l'arme qui pourrait le tuer était toujours en place. Elle pourrait fendre l'air d'un seule coup, le trancher en deux à tout moment s'il ose tenter quelque chose. Son geôlier s'en chargerait sans un remords.

Mais ce n'est pas l'objectif du sien. Celui qui est censé s'occuper de lui ne lui a pas rendu une seule visite depuis son arrivée. Et il ne sait pas s'il doit s'en réjouir. Arwen est connu pour être vicieux et calculateur. Et Daerôn ignore ce que ce dernier attend pour enfin se montrer. En revanche, ce qu'il sait, c'est qu'on cherche à l'affaiblir pour mieux le manipuler par la suite. Si le corps est faible, l'esprit l'est aussi. Et plus, un esprit est faible, plus il devient contrôlable. Et Daerôn à déjà atteint un degré de faiblesse majeure. Il le sait. Il ne fait que dormir toute la journée, ou toute la nuit, il n'en est pas certain. Il ne sait même pas combien de temps s'écoulent entre ces moments ou se ferment ses yeux et lorsqu'ils se rouvrent, paniqués à l'idée d'avoir oublié de regarder au-dessus de sa tête avant de s'endormir.

Mais dans ses moments d'éveil, il attend la visite de son ennemi et lorsque celui-ci arrivera, il sera prêt à endurer ses attaques. Du moins, il l'espère. Il n'oubliera jamais le prix du sang. Ce prix qu'il a dû payer bien des fois pour son père. Contre sa volonté. Ce prix qu'il a refusé de payer pour elle. Parce qu'il savait la vérité. Et maintenant, ce prix lui coûte sa liberté et une souffrance physique insoutenable. Mais ce ne sera rien comparé à la souffrance mentale qui l'attend. Il le sait. Il redoute ce moment. Son cœur bat de plus en plus vite et ce malaise constant l'étreint violemment. Il doit se battre pour elle. Il doit être en vie quand elle reviendra le chercher. Elle seule le pourra.

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Et enfin... Je sais que vous l'attendiez tous et toutes... Le point de vue de Daerôn.
J'espère vraiment que vous avez pris plaisir à lire cette partie.
N'hésitez pas à commenter ;)
Pookie

Les Conquérants du Cercle T2 - La princesse Oubliée. (Terminé) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant