Chapitre 4

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Félix était affalé dans un fat boy, la nuque relâchée et le plafond en guise de paysage. Sa journée n'avait été qu'une succession d'erreurs monumentales qu'il n'avait pas eu la force de repousser. Chose qu'il regrettait à présent. Il aurait dû être catégorique avec Max et refuser l'organisation de sa soirée d'anniversaire. Même chose avec Maeva. Un joli minois, des yeux envoûtants, et voilà qu'il lui révélait tous ses secrets.

Félix devait se renforcer, gagner en assurance, sinon il ne survivrait pas dans ce monde, il le savait. Devant lui, Clément et Fleur jouaient au baby-foot avec agitation. Son frère et sa sœur avaient cette force intérieure, ce caractère bien trempé qui leur permettait de s'affirmer en société et de ne pas plier face aux autres.

Fleur passa ses longs cheveux blonds derrière ses oreilles et se cambra pour saisir les manettes. La balle tapa les pieds d'un joueur en plastique, traversa le terrain à toute vitesse, mais manqua le but lorsque le goal s'interposa. Clément avait bougé son joueur sans même le toucher.

— On avait dit qu'on jouait sans les démons, protesta Fleur.

Clément lui adressa un clin d'œil taquin et frappa la balle avant de marquer.

— Tu vas voir.

Un vent léger traversa la pièce, remuant les pages d'un livre ouvert. Une aura sombre se dégagea de la jeune femme et surligna les courbes de son corps. Toutes les manettes s'animèrent simultanément et la balle effectua des allers-retours successifs d'un camp à l'autre.

Des bruits de pas résonnèrent dans le couloir et leur mère entra dans la salle de jeux, la mine fatiguée.

— Les démons ne sont pas des jouets, jeunes gens.

Les sursauts du baby-foot cessèrent aussitôt. Un dernier coup de pied envoya la balle sur Matilda qui, d'un claquement de doigts, désintégra le projectile dans les airs.

— Et on ne s'en sert pas quand on ne sait pas les contrôler !

Félix remarqua les cernes sous ses yeux.

— Maman, tu es sûre que ça va ? Tu as l'air épuisée.

— Je suis épuisée, s'exclama Matilda. Ces satanés démons m'en font baver. Je passe mes journées à ranger leur foutoir. Et en plus de ça, j'ai mes règles.

— Quand est-ce que le mois de charité se termine ? demanda Clément.

— Semaine prochaine.

— Si tu veux, on peut s'occuper des démons ce weekend, proposa Fleur. Toi et papa, partez quelque part vous reposer.

Félix voulut s'y opposer. Il n'avait aucune envie de gérer les démons vagabonds ce week-end car il était supposé organiser sa soirée d'anniversaire. Il allait intervenir lorsqu'une pensée lui traversa l'esprit. Fleur cherchait à libérer la maison, elle avait accepté.

— Oui, réagit Félix. On peut tout à fait s'en occuper.

— D'accord, un enfant c'était mignon. Deux, ça devient louche. Mais ça me va. Je vais voir avec votre père.

Elle sortit de la pièce et referma derrière elle.

— Ok, vous m'expliquez immédiatement ce qui se passe, exigea Clément. Je n'ai aucune envie de nettoyer les fesses des démons mais, visiblement, ça a l'air de vous plaire. Ce qui veut dire que vous préparez quelque chose et que je ne suis pas dans la confidence.

— On veut faire une fête à la maison, expliqua Fleur.

— Trop bien. Je peux ramener des potes ?

— Deux, pas plus. C'est l'anniversaire de Félix qu'on organise, pas le tien.

— Oui, mais avant d'organiser quoi que ce soit, j'ai besoin de votre aide, dit Félix. Comment chasse-t-on un croque-mitaine ?

— Pourquoi, il y en a un qui t'embête ? Si c'est le cas, préviens vite les parents. Ces saloperies sont capables de lancer des incantations.

— Ce n'est pas pour moi, expliqua le garçon, embarrassé.

Ses joues s'empourprèrent et Fleur devina ses intentions.

— Ta petite chérie a un croque-mitaine sous son lit ?

— Oui. Elle m'en a parlé tout à l'heure et j'aimerais l'aider.

Clément s'assit sur le rebord du baby-foot et réfléchit.

— Tu as besoin d'une fiole en cuivre, de sel et d'un démon. Sinon, l'autre te rira au nez et continuera de chatouiller ta copine.

Félix grimaça en imaginant le croque-mitaine caresser les cheveux de Maeva.

— De toute façon, le mien arrive ce soir. Donc, je devrais être capable de le capturer dès demain.

— En revanche, tu dois le faire en toute discrétion, l'avertit Fleur. C'est interdit d'exercer la démonologie devant les Ignorants.

— Je sais. Je ferai au mieux.

Clément et Fleur se précipitèrent sur leur frère et l'étreignirent.

— Notre petit protégé va devenir un adulte.

Après une lutte acharnée, Félix réussit à se défaire des paires de bras et descendit au rez-de-chaussée pour retrouver ses parents. Dans les vieilles traditions démoniaques, on disait qu'il était bon de recevoir un baiser du père sur le front et un baiser de la mère sur les deux joues afin de porter chance au futur hôte. Mais, quand l'adolescent arriva dans le salon, Matilda et Marc le remarquèrent à peine.

— Hé oh ! Je vais avoir seize ans !

— Grand bonhomme que tu es, lança Marc en continuant de cirer ses chaussures.

— Seize ans... Tout rond, insista Félix.

— Tu sais où sont les clés de la voiture ? grogna Matilda en passant devant son fils.

— Je vais avoir seize ans, un démon va toquer à ma porte, et vous n'en avez rien à faire !

Marc lâcha la chaussure qu'il tenait dans la main et partit embrasser son fils.

— Excuse-nous mon petit chaton, on a la tête ailleurs en ce moment avec ta mère.

— Arrête de m'appeler comme ça.

Matilda lui baisa les joues et le serra contre elle.

— Dire qu'il n'y a pas si longtemps, tu terminais le lycée.

— Non, ça c'est Clément. Moi, c'est Félix et je suis en première. Tu te souviens, ton troisième enfant ?

— Oui, bien sûr. Quelle étourdie je suis. Allez, file au lit. Ta nuit risque d'être longue si tu tombes sur un bavard.

Félix échangea une dernière accolade avec ses parents et monta dans sa chambre. Déshabillé et blotti sous ses draps, il lui fut impossible de trouver le sommeil. Les heures passèrent, silencieuses, et aucune entité ne se manifesta.

Au petit matin, Félix n'avait toujours pas fermé les yeux. Tandis que le soleil se levait derrière ses volets, l'anxiété le gagna peu à peu. Il était possible, pour un jeune hôte, d'être refusé par son démon. Plusieurs cas avaient été recensés à travers le monde. En soi, Félix aurait dû s'en réjouir, mais les conséquences pour sa famille l'en empêchèrent.

Ce satané démon avait intérêt à se pointer ou le nom des Malcius n'y survivrait pas.

La Famille Malcius - Tome 1Where stories live. Discover now