Chapitre 2: Troublée

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Nous partîmes vers dix heures après que j'eusse observé Dorian engloutir un petit déjeuner pour deux. Pour ma part je n'avais que grignoté mon croissant et regardé ma pomme comme une pestiférée, la gorge nouée à l'idée de revoir la ville en effervescence. Cela faisait tellement longtemps que je n'avais pas quitté la ferme. Presque deux ans.

Le paysage défilait à travers les vitres de la voiture et je tentais tant bien que mal de refouler mes souvenirs douloureux. Je devais m'être égarée bien loin car Dorian finit par secouer sa main devant mes yeux pour me faire revenir à la réalité.

- Pardon, tu disais ?

- Ta soeur et toi, vous ne vous entendez pas très bien, répéta-t-il, me prenant de court.

Je le regardai longuement, tentant de percer ses pensées pour savoir ce qu'il avait derrière la tête, en vain. Et sans raison apparente, je me mis à parler de ma misérable existence. Ce n'était vraiment pas dans mes habitudes de raconter ma vie, mais une force étrange m'y poussait.

- Maintenant que son petit ami et elle vivent ensemble, tout est devenu différent entre nous. Lorsque nous étions gamines, nous étions très proches. Je la suivais partout où elle allait. Je l'imitais, j'aspirais à être comme elle: grande (de mon point de vue) belle et forte. Nous étions inséparables. Grand-mère nous appelait ses « oiseaux ». C'est toujours le cas d'ailleurs. Mais aujourd'hui, tout a changé. Et moi, j'essaie juste de ne plus être malheureuse.

- Tu l'es ?

Je ne répondis pas et m'absorbai dans la contemplation des arbres.

- Et lui? reprit-il. Ce... Clément ?

- Du moment qu'il ne la fait pas souffrir et qu'elle l'aime, je suppose que je n'ai rien à redire.

- C'est très noble. Victoire te rend-t-elle la pareille ?

Mon rire se coinça dans ma gorge et je toussai pour garder contenance.

- Faudrait-il déjà que j'ai quelqu'un dans ma vie.

- Comment? Une belle jeune fille comme toi? Célibataire? Tu me surprends! me taquina-t-il.

- Arrête! De toute façon, je suis très bien telle que je suis.

- C'est-à-dire?

- Le célibat et moi, c'est une grande histoire d'amour.

Mais ce n'est qu'en prononçant cette phrase que je me rendis compte à quel point je me mentais. J'avais trop longtemps été seule.

- Tu penses vraiment ce que tu dis?

Je détournai la tête de peur qu'il ne découvre que je me berçais d'illusions.

- Tu ne pourras pas te cacher toute ta vie, Émilie.

Je le dévisageai soudain, l'impression qu'il me connaissait bien plus que je ne le soupçonnais.

- Qu'est-ce que tu insinues?

- Moi? Rien. Mais je pense que tu devrais dormir un peu. Tu as des valises sous les yeux. Mal dormi?

- J'étais juste surexcitée hier soir à l'idée de sortir enfin de la propriété. Je ne me suis endormie que très tard. Ou plutôt, très tôt. Ça dépend de ton point de vue. Mais je ne veux pas dormir, je préfère discuter avec toi.

- Très bien mais attends-toi à ce que je sois encore indiscret.

- Ça ne me dérange pas plus que ça. Du moment que tu n'es pas trop insistant si je ne veux pas répondre à certaines de tes questions, ça me va.

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⏰ Last updated: Sep 08, 2019 ⏰

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La promesse de l'éternitéWhere stories live. Discover now