Chap XIV : Ce Qui Dévore Notre Amour I (3/4)

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*Chez la psychiatre, point de vue d'Elisa*

— Comment vous sentez-vous ?

Elisa est assise sur la chaise en cuir du bureau du psychiatre. Elle incline sa tête en débutant son récit, un sanglot déchirant quelque peu sa voix. Son visage exprime une forme de résignation mensongère que l'on se pare pour conserver un semblant de fierté.

— Eh bien, la dernière fois, je ne voulais pas vous écouter. Je... Je ne sais pas vraiment... Je... J'ai beaucoup réfléchi et je me suis dit, le mieux est de parler comme il le faut, car vous devez l'avoir lu dernièrement sur ma fiche, je n'ai pas l'habitude de conserver des relations chaleureuses avec quiconque.

Le psychiatre ne répond pas et se contente de l'observer. Je suis toujours à côté de l'étagère et me contente d'étudier les propos de la femme.

— En bref, j'ai besoin de parler...

L'homme écoute la femme attentivement, puis hoche de la tête.

— Je comprends ce besoin... parlez et je vous écouterai.

Elle garde le silence. Elle est prête à soulever le flot de douleur qui la tient en laisse depuis plusieurs jours, peut-être même des années.

— Tout a commencé, il y a de cela 16 ans. Dites-moi, vous est-il arrivé de soulever votre femme et de lui dire, chérie... Je te chercherai au bout du monde s'il le faut ?

Le concerné ne lui répond pas.

— Est-ce que lors de vos premières rencontres, lui avez-vous dit que vous l'aviez cherché partout depuis le tout premier jour ? Que vous étiez certain d'être né pour elle ?

Les sanglots sont perceptibles. Elle a mal. Se remémorer un passé est quelque chose de singulier. L'importance de l'appel du souvenir lui arrache la voix. C'est un peu comme si elle se le disait à elle-même : « si vous saviez ». Elle semble trembler ou est-ce mon imagination. Elle tente de se calmer. Les gouttes infimes cherchant un passage sur ses sclérotiques.

— Je suis désolé... pardonnez-moi, je vais me ressaisir. Ne vous en faites pas, balbutie-t-elle, en inclinant la tête, évitant le regard inquisiteur du psychiatre.

Elle lève soudain la face au plafond, pour rappeler à l'ordre des larmes rebelles. Puis, c'est le retour au sol. Le tapis dominant la pièce est rouge foncé, suppléée de noir par endroit.

— Comme je vous le disais, reprit-elle, avec courage tout en ravalant une boule cambrée depuis un moment dans sa gorge. Dylan vient de Grèce. Il travaillait auprès d'un boulanger émérite lorsqu'un matin...

Elle s'arrête, se met à sourire avant de reprendre son récit, d'une voix bien évidemment cassée, toutefois emplie d'une joie démasquable.

— Un matin... Il vient dire à son chef qu'il a obtenu son billet d'avion et... qu'il est prêt à se mettre en quête de son trésor.

Elle passe sa main droite sur le bout de son nez.

— Vous imaginez-vous ? Il quitte une bonne situation pour soi-disant trouver un trésor. Qui de nos jours peut encore trouver de l'or, dites-moi ?

Ces paroles, lorgnant une ironie recherchée, me donne à penser que je suis fort étrangère au monde des chasses au trésor.

— Le plus curieux dans tout ça, c'est que son maître boulanger le laisse s'en aller, en lui administrant une légère tape dans le dos. Plus étonnant encore est d'apprendre que le même geste fut repris par son voisin, son collègue, sa sœur et même par le policier, en bas de sa rue. Tous le connaissaient. Lui leur répondait, je vous assure que je la trouverais. Quel était ce trésor, me direz-vous ?

Ce Que Tes Émotions Leur FontTempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang