Chapitre 3 : MISE EN BOUCHE

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© Ondoa Kalara, 2019

Première édition mars 2018

Illustrations de : Ondoa Kalara / Hermann Nanjo

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Prix du livre physique: 6 500  XAF (Cameroun) | 12 €  bientôt sur les plateformes monétisées

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III

MISE EN BOUCHE

Au Cameroun, le second cycle de l'enseignement secondaire général et technique s'effectue, en principe, en trois ans. À la différence qu'en classe de première, le probatoire fait office de tamis. L'État du Cameroun continue de maintenir ce diplôme dans son système éducatif. C'est le passage obligé. Peu importe vos notes pendant l'année scolaire en cours, votre admission en terminale est conditionnée par la réussite au fameux probatoire.

À l'époque, je fréquentais le Collège d'Enseignement Secondaire C.E.S de Bikok qui est une petite bourgade située à environ quarante kilomètres de Yaoundé dans le département de la Mefou et Akono, qui tire ses origines de l'omniprésence du relief rocailleux. On s'y rend par voitures. L'état piteux de la route laissait à désirer. Douze à quinze passagers à bord d'une Corolla en guenilles. On embarque en santé à Mvog Atangana Mballa (Yaoundé), on débarque malade à Bikok. Les scénarios d'empoignades entre passagers et conducteurs constituaient une scène de théâtre avant et pendant le voyage. Très souvent, vos articulations étaient soumises à une rigidité le long du trajet au point d'anticiper le rhumatisme chez les plus jeunes et amplifier l'arthrose chez des quinquagénaires.

Lorsque j'obtiens le Brevet d'Étude du Premier Cycle (BEPC), session de juin quatre-vingt-dix-sept, j'exalte de joie. Je redeviens l'élève citadin. Adieu la campagne ! Adieu le cauchemar des fessées au collège. À bat l'attitude irrévérencieuse du célèbre transporteur Atanga et des insultes « cochonnes » du directeur du CES. Plus qu'un lointain souvenir.

L'année scolaire s'annonce sous de bons auspices ! Je fais partie des rares élèves qui réussissent l'exploit de se faire inscrire au lycée bilingue de Yaoundé (LBY) sans monnayer. Nouveau cycle d'étude, nouveaux camarades, nouvel environnement, nouveaux enseignants. La superficie du lycée m'éblouit les premières semaines. Visiblement, l'un des lycées les plus denses du pays. Je déteste le travail manuel (T.M), j'éprouve de la sympathie pour les sciences physiques car je m'en sors relativement bien. La littérature étrangère me saoule. Le cinéma Abbia, salle de cinéma mythique à Yaoundé, qui aujourd'hui inactive, offre l'alternative aux élèves de revivre en sons et images les œuvres scolaires au programme.

Ainsi donc,  j'ai véritablement lu, « Le dernier jour d'un condamné » de Victor Hugo après l'avoir visionné en salle. Il est plus plausible, d'établir le rapport entre le récit d'Hugo et l'adaptation cinématographique. Bien qu'ayant, un dictionnaire, j'avais pris la mesure de l'univers carcéral dont décrivait l'auteur dans son ouvrage. Le bruit de la guillotine décapitant le cou d'un prisonnier résonne dans les boomers de l'Abbia tel le vacarme d'une hécatombe. Un ressenti de vengeance m'anime contre ces geôliers sans états d'âme. De la pitié pour les taulards qu'on conduit de force à l'abattoir. Une boucherie humaine. Le réalisateur excelle dans le choix des personnages. L'Abbia pratiquait des tarifs moyens, ce qui expliquait le fait que la salle soit toujours pleine à craquer lorsqu'il s'agissait des projections scolaires thématiques. Si le service d'hygiène lésine sur sa tâche, la puanteur de l'urine provenant des toilettes, avec la complicité d'un coup d'air, embaume les narines des cinéphiles.

Par contre, le roman « Les chauves-souris » de Bernard Nanga peint la réalité locale avec cependant des thématiques intemporelles et universalistes : la corruption, la prostitution et la roublardise des politiques entre autres.

On n'étudie pas pour oublier mais on oublie ce qu'on a triché. Monsieur Zacha est enseignant de français. Le golden daddy à la cinquantaine, d'environ un mètre soixante-sept, cheveux rasés court, habitué des nœuds papillons, donne à penser qu'il a fait un tour en Europe, de par son accent et sa diction. Il nous a donné l'envie de lire et de comprendre l'ouvrage de Bernard Nanga.

C'est sur les bancs de l'école que vous nouez d'excellents rapports avec vos camarades. Certains deviennent vos amis, d'autres pas. Les confidences sont la clé de voûte d'une amitié. Une personne se confie à vous généralement parce qu'elle se sent, d'une certaine manière, en sécurité. Et, sait qu'elle ne sera pas trahie. Des parents ne s'imaginent pas les frustrations que vivent les adolescents en milieu scolaire. D'aucuns se cherchent vraiment car à la croisée des chemins, la quasi-totalité des parents deviennent très exigeants en matière de résultats pour peu qu'ils remplissent leurs obligations (inscription - achat des fournitures - argent de poche au quotidien pour certains). Pourtant, la méthode recommandée est encore le suivi de l'enfant pendant l'année scolaire. Un fréquent coup d'œil sur les cahiers de votre enfant ; un contact permanent avec le professeur titulaire et un dialogue hebdomadaire ou mensuel avec l'enfant pour s'enquérir des peurs, des doutes, en un mot comme en mille de son évolution. Si vous ne discutez pas de façon permanente avec votre fille ou votre fils, il trouvera un directeur de conscience. Donc « laisse pas trainer ton fils, si tu veux pas qu'il glisse ».(16)*

Mon père spirituel Hyacinthe Nkodo m'a donné une bonne éducation. Un homme doté d'une forte personnalité, mais alors, je ne suis pas influencé encore moins influençable. Je suis un influenceur. Taciturne mais pas timide, mes performances athlétiques pendant les cours d'éducation physique et sportives (EPS) tapent à l'œil du professeur de sport.

En seconde, on est adolescent. On a entre treize et seize ans ; dix-sept ans et plus pour les recalés. Je me trouve donc dans le premier groupe. Un minot très averti. J'ai été rodé les années précédentes par une aînée, Christine S. Je ne cherche pas à intéresser les filles mais je suis un mystère pour elles. Ma camarade de banc Kamga K., est une belle et noire fille Bameka (tribu Grassfield du département de la Mifi, Cameroun) mi ronde, mi- svelte, aux allures extraverties. Elle est polie et sociable.

En dehors de l'école, je fréquentais aussi les bals de jeunes aussi appelés matinées jeunes. En plus, les discothèques les plus en vue n'ont pas de secret pour moi : Hot, 7e ciel, Malibu, Cerceau. Je suis un cavalier solitaire. En bande, on étouffe et on réalise qu'il y a plein d'abrutis. C'est le suivisme, en fait, certains agissent par mimétisme. Quelques fois en discothèque, on rencontre des camarades. Je ne fais pas seulement un bon mélomane mais ma culture musicale du Hiphop est tributaire à celle des adultes. Je danse bien sans transpirer à grosses gouttes. Pas vraiment classé parmi les cinq premiers pour les résultats scolaires : séquences et trimestriels, mais j'assure avec brio et ramène de bonnes notes à la maison. Donc pas de bêtises graves à mon actif pendant l'année scolaire. On dirait un influenceur immaculé. Le troisième trimestre se termine en beauté et bonjour la première.



Fin du chapitre 3


NOTE:

(16)* Extrait du titre Laisse Pas traîner Ton Fils du groupe de rap (France) NTM, Album IV My People.



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COMMENT JE SUIS VENU A BOUT DE CETTE ARNAQUEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant