13 - Joie de ne pas vivre

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Une pluie froide tombait sur Paris et sa banlieue, et ce n'était pas sous son arrêt de bus que Kévin pourrait s'en protéger. Chaque voiture qui passait devant lui, amenait une bruine glaciale et sale. Ce n'était pas non plus son blouson noir, capuche sur la tête, casque audio sur les oreilles, qui rendait cette excursion quotidienne plus confortable. Et c'était une erreur de penser qu'une fois dans le bus chauffé, son calvaire allait connaître un répit. Contrairement à lui, qui avait encore la tête embrumée à cause d'une nuit de sommeil toujours trop courte, les autres occupants du bus scolaire étaient en forme, et n'allaient pas l'épargner.

Kévin s'était assis vers l'avant, là où on ne risquait pas d'être entassé à l'arrière avec les "cancres", les "petits rigolos" ou encore les "clowns" de l'école. Ces derniers préféraient bien sûr se mettre en position d'élite, impression donnée juste parce que les dernières places étaient surélevées. On pouvait y voir tout le monde de haut à cette place, renforçant l'égocentrisme de quiconque s'y trouvant. Parvenir à comprendre la hiérarchie qu'il y avait entre les occupants d'un véhicule n'avait rien d'un cliché sortant d'un quelconque film. C'était réel.

Et ce jour-là, comme tous les autres en fait, Kévin tenta de s'enfermer dans sa bulle musicale, jusqu'à recevoir une boule de papier sur la tête. Le chauffeur le vit, sachant que c'était interdit, mais ne dit rien et se terra dans le silence, restant concentré sur le trafic parisien dense et anarchique. Un deuxième projectile atterrit sur la tête de Kévin, celle de trop, l'obligeant cette fois à se retourner sans cacher son mécontentement.

"Quoi ?

-Feur !"

Un groupe de jeunes personnes, garçons et filles, riaient en cœur. Actuellement, ils se prennaient pour les rois du monde, mais Kévin savait parfaitement que, contrairement à lui, la moitié d'entre eux finiraient au RSA avant d'avoir décrocher le moindre job. Bon, peut-être que lui aussi à vrai dire. Encore aujourd'hui, un réparateur de satellite, avec un Master en science quantique, devait travailler au McDonald pour s'en sortir avant de trouver ce pourquoi il avait étudié. Finalement, il se dit que son raisonnement n'avait plus de sens aujourd'hui.

"Moi aussi j'adore l'humour, t'es un vrai rigolo toi, lui lança le lycéen énervé. Tu devrais postuler.

-Pas con, répliqua un gars, celui occupant la place du milieu. Et ça tombe bien puisque comme t'es un cirque à toi tout seul Kéké, je sais déjà où balancer mon CV.

-C'est clair, ajouta l'une des filles. Avec ce que t'as fait hier, je sens qu'on va bien se marrer.

-J'ai sauvé votre cul en attendant ! Sans moi, vous seriez pas là à jouer aux cons !

-Tu diras tout ça à la proviseure. Elle va t'en foutre plein la gueule."

Elle chuchota quelque chose à son camarade par la suite, mais même de là où il était, Kévin put entendre certains mots, dont un évoquant sa copine. Plutôt que d'en remettre une couche, le lycéen remit son casque sur les oreilles, la tête contre la vitre froide du bus. Cette journée allait être pourrie, probablement plus que les autres. Seules deux choses lui avaient donné envie de se lever : Erika et Urantia. Il n'y avait rien d'autre qui comptait à ses yeux.

Kévin finit par arriver devant l'établissement où déjà, de nombreux étudiants attendaient le début des cours. Malgré le temps, beaucoup de monde restait à l'extérieur sous forme de petits groupes séparés : soit pour fumer une clope ou tout ce qui pouvait se consumer afin d'avoir l'esprit ailleurs, soit juste profiter de la liberté avant de rentrer à l'intérieur, pour ne plus qu'être un pion de l'établissement et ses règles. Quiconque passait ses grilles était réduit en objet à manipuler, au bon vouloir des professeurs et du personnel.

La Prophétie du SphinxOnde histórias criam vida. Descubra agora