"Gomont ? Tu comptes rester ici à gober des mouches encore longtemps ?"
Le garde regarda par-dessus son épaule, arrêtant de contempler une vaste plaine mordorée et désertique qui s'étendait à perte de vue. Son camarade soldat l'attendait d'un air agacé à une porte, menant aux entrailles de la grande muraille, haute de trentes mètres, sur laquelle Gomont surveillait les abords. Avant de répondre, il sortit de sa poche en cotte de maille une montre à gousset, puis observa encore le paysage, plus précisément la base de l'immense mur qui s'étirait jusqu'à l'horizon. Malgré la prestance de son camarade, Gomont ne broncha pas, et resta stoïque.
"Pencey n'est pas encore revenue. Ça fait presque une demi-heure qu'elle devrait être là.
-Dommage pour elle ! rouspéta l'autre garde. Trevor lui remontera les bretelles pour être à bourre, et pas question que je prenne sa place. Tu devrais faire pareil si tu veux pas finir avec un rapport sur le dos. Je dis ça pour toi après...
-Ca ne t'inquiète pas que notre éclaireuse ne soit pas encore rentrée ? Puis réfléchis un peu : si le général Decker apprend qu'elle n'est pas encore de retour de sa mission, notre retard sera le dernier de ses soucis. Alors fais ce que tu veux, décida Gomont en prenant une longue vue accrochée à sa ceinture. Moi, je reste ici au cas où.
-Comme tu veux, je retourne à Feiticeira. Et je raconte quoi comme excuse quand le général sera là ?
-La vérité.
-T'es sûr ? On peut trouver autre chose, un mensonge qui fera passer ton retard pour une cause plus noble que ton rencard.
-Mais qu'est-ce que tu racontes encore, Devon ? Dis au général que Pencey n'est pas encore revenue, c'est tout.
L'autre soldat secoua la tête silencieusement, puis retourna sur ses pas. Il traversa un long dédale de tunnels éclairés à la torche, puis emprunta des escaliers pour les descendre, jusqu'à se retrouver dans une pièce. Seuls des meubles poussiéreux et des armes contondantes s'y trouvaient. Devon la traversa rapidement jusqu'à une porte donnant directement à l'extérieur. Trevor, un autre homme, haussa un sourcil en le voyant débarquer seul. Plus petit que lui, mais plus trapu avec en prime une longue barbe brune, il l'attendait avec trois chevaux non loin d'un solide portail encastré dans la muraille. Il avait aussi plus de galons que lui, visible par des symboles sur ses épaulières argentées.
"Il ne vient pas ? demanda-t-il avec un air surpris.
-Non. Le prince charmant attend sa princesse qui, d'après lui, aurait dû être là depuis une demi-heure.
-Tu veux dire que notre éclaireuse n'est toujours pas revenue ?
-Bah ! Son cheval doit s'être arrêté pour prendre une pause. Avec la taille de ce mur, ça arrive souvent.
Son supérieur lui répondit avec une grimace, puis fit un mouvement de tête pour l'inciter à monter sur son cheval. Trevor ne partageait pas son optimisme. Il savait à quelle point les éclaireurs du royaume accomplissaient leurs missions avec la précision d'un métronome. Pencey en faisait partie. Ne pas arriver à l'heure sans prévenir ne lui ressemblait pas.
"Il lui est peut-être arrivé quelque chose de plus grave. Pencey est toujours à l'heure.
-Oh ! Tout de suite, les grands mots...
-Elle lui a envoyé un message ?
-Pas que je sache. Et si ça avait été le cas, Gomont ne serait pas encore là-haut à l'attendre pour lui ouvrir la porte, au cas où elle aurait les mains pleines. Ou qui sait, peut-être un espion du Sphinx qu'elle aurait capturé. Je ne m'en faist pas pour elle."

VOCÊ ESTÁ LENDO
La Prophétie du Sphinx
ParanormalMenant une vie parisienne sans saveur, Kévin tente de trouver sa voie dans une société qui décide de son avenir à sa place. Malgré ses talents d'escrimeur, la majorité de ses journées sont des échecs constants. Et alors qu'il décide d'oublier son qu...