Partie 1

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Je pianotais sur mon Commodore 64. Je voyageais sur les différents BBS, puisque l'internet n'existait pas encore. Mon ordinateur se trouvait au sous-sol. L'endroit était revêtu de ciment, les fenêtres, petites, donnaient peu de luminosité extérieure d'autant plus que c'était le début de la nuit. Je ne me rendais pas compte de ce fait, car lorsque je m'amusais devant mon écran, mon esprit siégeait dans un état second. Le monde réel n'avait plus d'importance. Ma mère m'y ramena abruptement, elle me rappelait du haut de l'escalier que c'était l'heure d'aller dormir. Je rouspétais. Autant je n'aimais pas me lever le matin, autant je haïssais me coucher. Pour moi, la vie se passait quand le soleil avait disparu. 


Mais voilà, j'étais un adolescent, et je me devais d'obtenir suffisamment d'heures de sommeil pour subir l'école le lendemain. À reculons, je montai donc vers ma chambre qui était située au deuxième étage de la maison. Lorsque j'atteignis le dernier palier, ma mère s'était recouchée. Toutes les chambres se trouvaient au même niveau. Celle de ma mère (mes parents étaient divorcés) était la première après l'escalier. À la gauche, il y avait une salle de bains plutôt petite. À la droite, un étroit passage amenait vers les deux pièces secondaires, soit celle de mon frère cadet et à l'arrière la mienne. Ce dernier dormait. J'arrivais à mon refuge, de géométrie rectangulaire. Au fond à gauche il y avait un lit à une place avec les couvertures déjà défaites. Au pied du matelas, mon chat était, comme à son habitude, étendu de tout son long. Il s'appelait Idéfix. Sa masse corporelle repoussait les limites du possible et il était tigré comme un chat sauvage. Il battait des records mondiaux d'oisiveté, il passait la plus grande partie de sa vie à somnoler. C'était l'animal le plus calme que j'avais jamais vu. 


Le reste de la chambre représentait bien un garçon de mon âge, des posters de pin-up et de Star Wars, une télé en face de mon lit. Seuls un bureau et une petite bibliothèque trahissaient mon côté plus intellectuel. Les stores de la fenêtre, qui se trouvait sur le mur du fond, étaient ouverts. Je décidai donc de les fermer avant d'aller me coucher. Il n'était pas question de me faire réveiller trop tôt par le soleil. 


Je me mis enfin sous les draps. C'est alors que j'entendis mon chat grogné. « Qu'est-ce qu'il y a, minou ? », que je lui demande. J'observai qu'il regarda intensément le plafond. Il n'y avait rien. J'essayai de le flatter, il se remit à cracher de nouveau et ses poils se hérissèrent. Il n'avait jamais réagi de cette façon. C'est là qu'il devint extrêmement nerveux. Sa tête tourna comme si quelqu'un l'agaçait avec une ficelle. Son changement de tempérament aurait dû m'inciter à sortir. 


Mais j'étais trop intrigué par ce qui se passait. J'ai commencé à sentir une vibration comme si un autobus roulait près de ma chambre, mais on était situé au deuxième étage ! Tout s'est déroulé ensuite très vite. La vibration s'est transformée en mouvement. Progressivement, ce mouvement évolua vers le tremblement. Le matelas s'est mis à bouger frénétiquement comme si deux personnes le prenaient de chaque côté et s'amusaient à me faire balancer dessus. Mon chat en a eu assez et est parti en courant. J'aurais dû l'imiter, mais j'étais figé. J'avais l'impression que si je quittais mon lit, un malheur allait tomber sur moi. Au plus fort de la vague, j'ai réussi à crier. Je gueulais tellement que ma mère et mon frère se sont précipités dans ma chambre. Au moment où ils sont apparus, tout s'était arrêté. Je pleurais comme un poupon. Maman tentait de comprendre à travers les larmes, mais c'était difficile. J'ai fini par lui expliquer ce qui s'était passé. Personne ne fut surpris. Parce que ce n'était qu'un cas parmi tant d'autres.


Comment était-on arrivé là ? Ces événements n'étaient pas survenus sans raison. La faute n'incombait pas à la maison. Celle-ci était paisible lorsqu'on avait emménagé. J'avais 9 ans le jour où on déménagea pour ce qu'on espérait être la dernière fois. Car la malchance nous pourchassait. Au départ, on habitait dans un logement sur la rue Albert à Saint-Eustache. J'aimais beaucoup ce quartier parce qu'il y avait beaucoup d'enfants et qu'il y avait un immense parc juste à côté. Mais est venu le jour où mon frère est né. L'espace devenait trop petit pour la famille qui s'agrandissait. Mes parents ne roulaient pas sur l'or, alors ils recherchèrent une alternative peu coûteuse. Ils avaient trouvé un grand appartement dans un village au nord de Saint-Eustache. 

Comment j'ai transformé ma demeure en maison hantée Where stories live. Discover now