Partie 4

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 Je déjeunais à la cuisine après une des nuits les plus étranges que j'avais vécu jusque-là. Je ne buvais jamais de café, mais j'étais tellement fatigué que je me serais bien baigné dans une piscine remplie de ce nectar brun. Je me remémorai ce qui s'était advenu la veille et mon côté rationnel voulait me convaincre que ce n'était qu'un rêve. Or, je savais pertinemment que je ne dormais absolument pas à ce moment-là. Je vis ma mère apparaître dans notre étroite salle à manger et je remarquai immédiatement son air exténué. Je lui demandai ce qui se passait, elle me répondit que ce n'était qu'une crise d'insomnie. Étant moi-même victime de ce mal par moment, j'avais arrêté la discussion. L'avoir continuée, j'aurais découvert qu'elle avait vécu son propre incident surnaturel. Est-ce ainsi que nos nuits allaient être constituées dorénavant ? 


Je commençai à livrer les journaux. Mes réveille-matin avaient cessé de s'éteindre par eux-mêmes. Peut-être parce que Sue ne nécessitait plus mon attention, ou parce qu'elle était partie. Parlant d'elle, était-elle la responsable derrière l'avertissement que j'avais reçu la veille ? De quoi m'avait-elle protégé ? Beaucoup de questions se présentèrent à mon esprit surtout lorsque j'exécutais mon travail. L'action répétitive de déposer des périodiques à chaque porte me rendait introspectif. Un peu comme les bouddhistes répétant sans cesse les mêmes mantras. Je suis persuadé que si j'avais continué ce boulot jusqu'à aujourd'hui, j'aurais résolu de nombreux sujets existentiels. Socrate était sûrement un camelot. 


Peu importe, je ne trouvais pas de réponses à mes interrogations. Le problème avec le monde invisible c'est qu'il est caché justement. On ne sait pas ce qui se déroule dans les coulisses, on observe uniquement ce que les âmes errantes veulent bien nous montrer. Voilà pourquoi les événements surnaturels ne sont jamais vus comme des faits, parce qu'on ne peut pas reproduire l'expérience comme l'exige la science. Qu'est-ce qui nous dit que ce que l'on a vécu est réel ou non ? Peut-être quand on se rend compte qu'on est plus le seul à éprouver de telles expériences. En particulier, lorsque les autres personnes en question ignoraient les épreuves passées des autres.


Ce fut le cas de Julie, blonde à Sébastien. Cela faisait six mois qu'elle sortait avec lui au moment où elle refusa de coucher chez nous. Sébas avait fréquenté tous les genres de filles : de la pétée, à la nymphomane, à l'hyper-jalouse, à la trop sérieuse. Mon frère aimait les extrêmes. Julie appartenait à la dernière catégorie. C'est-à-dire le sourire peu facile, une attitude introvertie, elle ne s'incluait pas dans les partys ni dans aucun groupe. Un peu comme moi, sauf pour elle c'était volontaire. Moi, j'aurais donné ciel et terre pour devenir un tantinet plus sociable. Je crois que Sébastien se cherchait un phare avec lequel se guider pour atteindre un terrain plus stable. Avant de la rencontrer, il avait beaucoup abusé de la drogue. À un point qu'il s'en est pratiquement rendu malade. Ses notes s'en sont ressenties et il dut aller en classe de rattrapage. Ça avait été, je pense, l'appel vers la réalité dont il avait besoin. Depuis quelque temps, il fournissait de grands efforts pour se remettre sur le droit chemin, même s'il continuait à fumer du pot ou à festoyer de temps en temps. On ne peut pas changer radicalement comme cela du jour au lendemain.


Donc, Sébastien demanda à sa blonde la raison pour laquelle elle refusait de coucher chez lui. Elle hésita à répondre, et il comprit plus tard pourquoi. Son explication le gifla d'étonnement.


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Julie éprouvait de la difficulté à s'assoupir. Elle était serrée sur le lit plutôt petit de son chum, Sébastien. Cela ne semblait pas poser de problème à celui-ci, car il ronflait déjà. Elle tentait de le pousser un peu pour se mettre dans une position plus confortable, mais l'état comateux de son partenaire avait considérablement augmenté son poids. D'ailleurs, lorsque son copain dormait, le sommeil l'emportait tellement profondément dans les limbes qu'il fallait une force surhumaine pour l'en sortir. 

Comment j'ai transformé ma demeure en maison hantée Where stories live. Discover now