Avant -

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2013
J'avais eu 14 ans en janvier. Qu'est-ce que ça veut dire 14 ans ? J'étais plutôt mature. Me posais trop de questions.

J'avais mes moments de délires entre amis, mes moments de folie enfantine. J'avais mes moments de solitude.
J'étais une ado qui commençait gentiment à s'intéresser aux garçons, mais qui ne se sentait pas attirée et qui n'était jamais tombée amoureuse. Je voyais les couples se former, tenir quelques jours ou semaines puis se détruire. Peut-être qu'au fond j'étais un peu jalouse.
Mon père venait d'avoir un enfant avec une femme d'une vingtaine d'années de moins que ma mère, il ne vivait pas avec nous. Ça me faisait mal. Bien sur, j'avais compris que l'amour n'est pas toujours éternel, et je ne pouvais pas en vouloir à mon géniteur si son cœur avait fait des siennes. Je l'acceptais.
Je voyais ma mère souffrir, encore amoureuse de lui. C'était la vie.

En février, un projet a commencé à pointer son nez. C'était un projet génial, un de ceux qu'on aurait plutôt cru rêver. Pourtant c'était réel !
Ma mère, ressentant le besoin de partir un moment, de réfléchir loin de son ex-mari et de faire un travail sur elle-même, a proposé un voyage. Au début, c'était très flou. Allions-nous vraiment partir ? Où ? Combien de temps ?

En juillet déjà, le départ était annoncé. Un voyage d'une année, avec mes deux autres sœurs. Mon père allait rester en France.
J'étais excitée, qui ne l'aurai pas été ?
C'était un rêve qui se réalisait ; j'adorais prendre la route même si jusque là j'en avais très peu eu l'occasion. Mon paternel qui restait ici ne me dérangeais qu'un peu ; nous n'avions pas vraiment une relation fusionnelle. C'était mon père, c'est tout.
Et puis mon demi-frère venait de naître, il avait de quoi faire dans sa nouvelle tribu.

Je me sentais un peu abandonnée lorsque j'allais chez lui, c'est vrai.

L'avion partait le 02 août, à l'aéroport nous ne tenions plus en place. J'allais partir 365 jours ! Pas d'école, pas de devoirs...
Étant donné que j'avais fini l'école obligatoire l'année même, j'avais le droit de faire une année sabbatique avant de continuer mes études. De quoi agrandir mon sourire jusqu'aux étoiles.
Ça s'annonçait merveilleusement bien.

Nous allions travailler sur une ferme en tant que volontaires, pour ne pas avoir trop à payer. C'était la première fois que je touchais le continent américain. J'allais apprendre l'espagnol, rencontrer des gens, peut-être me trouver un copain.

Les trois premiers mois sont passés très rapidement, entre les champs, les animaux, les cours de langues, les échanges avec les autres volontaires... Il faisait chaud, j'avais un peu bronzé, découvert de nouveaux animaux. Sous les tropiques ...

Mes amies me manquaient déjà un peu, mais j'avais conscience de ma chance et en profitait avec toute mon énergie. Elles, restées en Europe, m'enviaient.
J'ai appris des milliards de choses, bien plus qu'en restant assise sur des bancs de cours, à écouter un professeur blablater sa théorie. J'ai vu des chèvres naître, des poussins grandir. J'ai croisé un boa dans le jardin, observé d'autres petits serpents. Compris qu'il ne servait à rien d'avoir peur de tout, qu'il fallait écouter la nature.

J'ai bien vite su que dans ces pays latinos, rien ne servait de courir. Prendre les choses comme elles viennent, ne pas se dépêcher. J'ai grandi énormément en quelques mois, mentalement du moins. J'ai eu l'impression d'acquérir plus de savoir qu'en toute ma vie. La France, à ce moment-là, m'a semblé bien triste.

La ferme avait une organisation bien à elle.
Le patron, une patronne en l'occurrence, ne faisait quasiment rien. C'était une américaine un peu stupide, riche. Une des seules avec qui nous nous entendions mal.
Les employés étaient des gens du coin, et malgré les quelques difficultés par rapport à l'espagnol, on est rapidement devenus amis. Ils étaient géniaux. Toujours souriants, même avec leurs problèmes.
Ils gagnaient environ 10 ou 20 dollars par jour, de quoi se sentir oppressé en tant qu'européenne. C'était de ceux qui allaient le mieux ; il y a plein de chômage.

Les tâches que l'on devait faire au quotidien changeait souvent, donc l'ennui n'avait pas encore pris place.
Nous en avions un peu marre du riz et des haricots, mais en y pensant, ce n'était pas mauvais. Répétitif.

C'était étrange de se promener dans les rues là-bas, ou du moins, nous avons dû nous y habituer. Des filles blondes, ça ne passe pas inaperçu. La peau blanche, pour la plupart c'est fascinant. Pour d'autre ça rappelle la colonisation, et franchement je ne leur en veut pas. Il y a des centaines de touristes américains bien stupides, des gringos, qui vont dans ces pays pour une petite semaine, dépensant ce que les indigènes gagnent en une année. Qui ne prennent même pas le temps d'apprendre à dire "holà" ni "comment tu vas", qui se sentent supérieurs et qui commandent. Ce genre de gens, souvent obèses et habillés comme dans des films d'explorateurs, une montre en or au poignet. Pour montrer qu'ils dominent et qu'ils sont riches. Qui s'en foutent du pays, qui y vont juste pour dire aux autres qu'ils y sont allés. Répugnant.

Je disais donc, que les blondes dans les rues, ça ne passe pas inaperçu. Pas du tout en fait. Tous les latinos ont les cheveux noirs, la peau mate. La plupart sont très petits. En fait, on se sent un peu extraterrestres.

Et puis, à cause de tous ces fichus programmes de télévision, des publicités et que sais-je encore, la femme blanche et grande, c'est un fantasme.

Miracle à la touriste qui passe dans une rue sans se faire siffler ou draguer. Ce n'est pas parce qu'on est belles; plutôt dans l'espoir de partir vivre avec une personne riche, je suppose. Ou de pouvoir dire qu'on a baisé une gringa.
Enfin bref, là-bas, les critères de beauté sont différents, du moins pour la majorité des jeunes. C'est dommage, parce que j'ai trouvé leurs visages bien plus beaux et expressifs que les masques européens.

Quand je pense que ça l'excitait de me voir...

Boule au ventreWhere stories live. Discover now