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Un arrêt soudain, et je n'entendais plus que les bruits de respiration autour de moi certains. Certaines rapides étaient presque au bord de la suffocation, impatiente de voir les Géniteurs. Ces hommes d'un autre monde, ces dieux auxquels on devait tout, notre vie, nos corps et notre liberté. On allait devoir fléchir la tête en leur présence, nous transformer en petite créature docile et insignifiante. Présenter nos atouts physiques comme simples arguments de vente.

Celles qui respiraient autour de moi, savaient-elles seulement que nous n'étions rien ?

Que ces hommes, cette société merdique se servait d'elles. Pourquoi nous enfermer, pourquoi nous asservir à un seul rôle, si ce n'est que pour nous dominer. Il y avait-il seulement des femmes à l'extérieur ?

On nous faisait marcher jusqu'à qu'une violente lumière blanche me balaye le visage. On venait de nous redonner la vue. Pour l'instant il n'y avait que nous dans cette immense pièce. Elle était à la fois épurée et décorée de peinture d'un style que je n'avais jamais vu auparavant. De longues moulures dorées tapissaient les plafonds donnant une descente dorée au centre de la pièce comme une goutte d'or qui s'éclatait sur le sol. Il y avait des pièces excentrées, isolées et meublées de fauteuils dorés.

Il y avait aussi à notre disposition de nombreuses boissons colorées et pétillantes. Je m'approchais d'un des tableaux pour l'observer en silence. Il représentait une femme flottant dans une rivière. Elle était paisible, calme, se laissant entourer de fibres vertes. Son regard était vide, elle devait ne penser à rien, elle ne devait rien à personne. Et à cet instant j'enviais terriblement cette fille.

Toutes les Génitrices étaient en ébullition, certaines étaient assises comme des déesses de pierre, d'autres tournaient en rond où replaçaient ses cheveux. Moi je scrutais chaque recoin, attendant le moment fatidique de pouvoir m'échapper.

Les gardiens étaient immobiles et collés au mur, nous observant comme des animaux en cage. Jacob n'avait quant à lui pas l'air si fixé, il avait le regard fuyant et je sentais un mal-être de sa part. Je m'approchais discrètement de lui.

« Pourquoi j'ai l'impression que tu n'es pas serein ?

- Tu... Tu n'as pas le droit de me parler. Retourne au centre.

- Il va se passer quelque chose ? Qu'est-ce qu'il va nous arriver ce soir ?

- Fais simplement ton devoir ! Tu n'as pas besoin de réfléchir, tu n'as pas besoin de protester. Ton avenir est ici, nulle part ailleurs.

Je lui faisais perdre patience, il me fuyait du regard. Je m'éloignais, allant rejoindre Anaïs qui tordait ses doigts en silences. Juliette, elle était droite, silencieuse, divinement belle. C'était son destin, elle le ressentait au plus profond de ses entrailles, elle était faite pour s'offrir à eux comme un vulgaire cadeau. Ce n'est pas l'intelligence qui lui manquait, c'était un esprit ouvert. Elle s'enfermait dans sa confiance absolue.

« Toujours aussi calme Danae, me lança Anaïs.

- Pas tant que ça. »

J'entendais soudainement un bruit d'ouverture, j'apercevais tous les visages se tourner dans un sens. Ils fixaient intensément l'arrivée de quelque chose. Je sentais une tension envoutante dans l'air. Il n'y avait plus une parole, seulement les bruits de pas. A cet instant, j'avais peur de me retourner, j'avais peur d'être emportée dans les méandres des illusions, d'être absorbée par la lumière de ceux qui nous contrôlaient. Les filles étaient pétrifiées par la joie, elle voyait enfin les personnes dont elles avaient rêvée toutes leurs vies. Juliette, confiante comme jamais, se levait pour affronter le moment fatidique de la rencontre. Lorsqu'elle me frôla, je me décidais moi aussi à voir en fasse ceux qui cloisonnaient ma liberté.

GenitriXOù les histoires vivent. Découvrez maintenant