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Je sentais quelque chose monter en moi, un désespoir insensé, une peur irrémédiable. Mes bras commençaient à trembler, mes genoux à fléchir et ma peau à suinter. Je n'arrivais plus à réfléchir et résonner mon corps qui s'élançait comme un animal en pleine fuite. Je m'écrasais contre la porte, hurlant qu'on me laisse partir. Chaque à-coup de mes points contre la surface froide, laissait résonner la douleur qui était en moi. Mes cris étaient tellement puissants que ma mâchoire me faisait mal. Ma bave et mes larmes se mélangeaient pour inonder mon tee-shirt.

Non, je ne pouvais pas finir comme cela, je ne pouvais pas accomplir se soi-disant devoir. Il était impossible qu'il me choisisse. Je n'étais pas imprégné du moule dans lequel il m'élevait, je ne rêvais pas de donner naissance, je ne m'émerveillais pas à être une femme. Il s'était trompé, c'était une erreur, je ne pouvais pas être ici.

Quand soudainement la porte s'ouvrit, je voyais deux gardiens attraper mes bras fermement.

« Non ! Non ! Il y a une erreur, ce n'est pas possible. Regardez-moi, je ne suis pas comme les autres ! Je ne peux pas être Génitrice. Excluez-moi, enfermez-moi, tuez-moi ! Suppliais-je.

- Ce n'est pas à vous de décider. » S'exclama l'un des deux avant de m'enfoncer une aiguille dans le cou.

Mes gestes pour fuir devenaient flous, comme un mirage lointain. Je ne sentais plus mon corps qui se laissait tomber comme une poupée de chiffon. Mais ma voie continuait encore à raisonner mes détracteurs, jusqu'à se taire.

Je me sentais lourde, une étrange odeur s'infiltrait dans mes narines. Quelqu'un ou quelque chose me touchait le visage. J'essayais de lever mes bras pour éloigner ce qui était en contact mais des liens me retenaient. J'ouvrais les yeux. Un bras mécanique étalait un liquide sur mon visage. Il y avait comme un miroir au-dessus de moi qui me permettait d'apercevoir les artifices qui camouflaient mon être.

On me triturait la peau, me séchais, me couvrais de texture gluante, liquide, voire chaude. Et je restais immobile, sans aucun moyen de repousser cette comédie.

Soudainement tout se stoppait, la structure sur laquelle j'étais allongée se relevait pour me mettre à la verticale. Mes sangles quant à elles restaient bien fermées, ne me laissant toujours aucune possibilité de fuir.

La pièce n'était pas très grande, le peu que je pouvais apercevoir ne dévoilaient aucune sortie. Un petit trou apparaissait dans le mur en face de moi, celui-ci s'agrandissait à chaque seconde, jusqu'à laisser apparaitre une ouverture béante. D'un seul coup, une personne apparaissait dans celle-ci. L'homme s'avança jusqu'à moi. Il était très grand, élancé avec de longs cheveux noirs. Ses yeux sombres me regardaient fixement, aucun sourire faux, aucune émotion. Sa blouse grise était parfaitement taillée lui donnant un air digne.

Il regarda ensuite mes bras attachés, avant de passer une main devant sa bouche. N'avait-il pas l'habitude de voir des Génitrices ligotées ?

« Bonjour Génitrice, je suis Juliane, Géniteur chargé de l'aide à la sélection. J'ai l'honneur de vous dire en personne que vous avez été choisie par un Géniteur de haute lignée. Rares sont les Génitrices à pouvoir remplir leurs devoirs pour quelqu'un d'aussi prestigieux. » S'exclama-t-il.

Il me regardait attentivement, cherchant la moindre réaction sur mon visage, de la joie peut-être ? Mais je n'en éprouvais aucun hormis du dégoût ou de la colère.

Mes lèvres commençaient à bouger, de l'air s'efforçaient de vouloir sortir de ma gorge pour prononcer quelque chose. Mais rien ne sortait, il m'était impossible de parler, quelque chose bloquait ma voie. Que m'avait-il fait pourquoi je ne pouvais plus crier, plus prononcer ce qui me pesait sur le cœur.

Observant ma réaction de surprise, l'homme ajouta : « Il arrive que certaine Génitrices qui sont amenées à côtoyer des Géniteurs importants pour la société, soit privé de moyen de communication. La discrétion est de mise pour vous, mais il n'y a pas plus grand honneur, rassurez-vous. »

A l'écoute de ses paroles insensées, mon cœur se mettait à battre violemment, mes joues chauffaient, j'étais hors de moi, je voulais lui hurler que nous étions traités comme des animaux, qu'il n'avait aucun droit de m'asservir. Mon corps s'agitait difficilement dû au décontractant qu'on m'avait injecté, mais pourtant une rage folle éclatait en moi, j'avais envie de tout arracher, de lui sauter au cou et lui faire comprendre ma colère avec mes mains autour de sa gorge blanche.

De lourdes larmes s'écoulaient sur mes joues face mon impuissance, je ne pouvais rien faire, ni me défendre, ni m'enfuir, ni même crier mon désespoir. Ils m'avaient tout enlevé, tout ce que j'étais tout ce que je pouvais être.

" Vos larmes non aucun sens Génitrice. Vos obligations envers votre géniteur ne sont pas dégradées par votre état. Seul votre état à procréer est important. "

Il ne nous comprenait pas, jamais il ne le pourrait. J'étais perdu dans ce néant d'illusion, autant de leurs côtés que du nôtre.

« Je vous souhaite d'accomplir votre devoir et de rendre fière la société, Génitrice. »

Son visage fin et sans sentiment disparaissait ensuite par le même endroit où il m'était apparu. Même s'il disparaissait de ma vue, il ne le serait pas de mon esprit. Je me souviendrais de ses traits, je me rappellerais de cette froideur et je me rappellerais de son insensibilité à mon malheur.

Une voix féminine et glaçante résonnait maintenant dans la pièce. Je devais suivre les instructions à la lettre. Me relever doucement après que mes liens soient ouverts. Avancer vers le passage, puis suivre le gardien, celui-ci attrapa mon bras pour passer un étrange instrument plat au-dessus du poignet. Je voyais quelque chose de minuscule briller sous ma peau. Puis je continuais à le suivre jusqu'à une immense porte. Quand celle-ci s'ouvrait et que je sentais cette douce lumière caresser mon visage. J'en oubliais presque ma situation. C'est comme si les odeurs, cette clarté qui m'enveloppait était tout ce que je désirais le plus au monde. Mes yeux avaient de mal à s'ouvrit, c'était beaucoup trop puissant. Ce n'était que la seconde fois que je voyais le monde extérieur. Dans un élan de courage et de curiosité j'ouvrais légèrement mes paupières. Tout était flou, les couleurs ne me sautaient pas aux yeux. Seulement du vert ou du marron que je n'avais l'habitude de voir que dans les livres.

J'avais tellement envie de m'arrêter, d'observer ce qui m'entourait avec insistance pendant des heures. Je n'avais pas envie de m'enfermer dans ce véhicule et de voir disparaitre cette découverte. Je me mettais à reculer par réflexe, comme si mon corps n'avait lui aussi pas envie de quitter cette lumière.

Mais le gardien s'empressait de me pousser à l'intérieur, brisant mon seul instant d'apaisement. Il ferma la porte faisant disparaître cette lumière divine et l'espoir d'une autre vie. 

GenitriXOù les histoires vivent. Découvrez maintenant