Les bruits du quartier me perçaient les tympans.
Les cris des enfants se joignaient aux vrombissements assourdissants des motos, chevauchées par ces jeunes intrépides roulant à toute vitesse, volant presque sur le bitume.
Ce tumulte auquel j'étais pourtant habitué depuis mon plus jeune âge, m'était aujourd'hui insupportable.
Une irrépressible envie de fuir me prenait à la gorge. Je rêvais d'un endroit calme et reposant, dénué de toute présence humaine. Je me voyais installé à l'ombre d'un saule. Vous savez, ses arbres magnifiques qui paraissent pleurer leurs feuilles dans l'eau de la rivière. Je pouvais presque sentir l'air frais se faufiler dans ma chevelure.. Je pouvais presque entendre les clapotis de l'eau, les sifflements des oiseaux...
Un instant, mon esprit s'était transporté ailleurs, loin, très loin de ce quartier miséreux, goûtant à cette plénitude illusoire. J'avais soif d'air, ici, entre ses murs, j'étouffais, je me noyais.
J'ouvris brusquement les yeux, arraché à ma vision utopique par un énième ronflement de moto, encore.
Revenu à la réalité, mon regard survolait les bâtiments environnants. Où que mes yeux ne se portaient, ils ne se heurtaient qu'à des murs et du béton, du béton et des murs. Rien que de la grisaille partout. Les bâtiments suaient la misère, occasionnant une nauséabonde odeur de détresse, qui nous collait constamment à la peau. Cette détresse, j'en puais à plein nez. J'étais immergé jusqu'au cou dans ce profond désarroi.
Comme beaucoup d'entre nous, cette vie m'avait marqué au fer rouge.
Cloué à cette chaise roulante depuis plus de cinq ans, je me contentais d'observer de loin cette rue qui avait causé ma perte. Depuis ma fenêtre, nous nous livrions chaque jours une joute silencieuse, seulement par la force du regard. Cela faisait cinq longues années que je dépérissais, que mon corps s'affaiblissait, que mon cœur s'asséchait et que mon esprit s'échappait.
Au nom de quel crime?
Aujourd'hui, à 28 ans, je me pose encore la question.
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- Au nom de quel crime -
Short StoryMa compagne de malchance, Cette rue qui m'avait déchu, Elle était notre cour des miracles à nous, les déchets que la société avait rejeté, Je la hais et la haïrais quand bien même en enfer... [Récit court]