Chapitre 1.

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Quelle tête de déterré !

Comme tous les matins de la semaine, du mardi au samedi, et même les dimanches en période de fêtes, Harry passait devant le miroir tâché d'éclaboussures de sa salle de bain. Il allait une fois de plus endosser le rôle de caissier d'une grande surface sans âme, avec sourire et bonne humeur, évidemment ! Un rôle qu'il tenait depuis cinq années maintenant.

Un zombi voilà ce que je suis !

Il se passa de l'eau tiède sur le visage avec les mains, insista un peu aux coins des yeux et à la racine du nez puis s'essuya avec une serviette qui en toute vraisemblance n'avait pas vu le lave-linge depuis belle lurette... 

Ça suffirait pour la toilette du matin, se dit-il

Il était déjà cinq heures et quart passées. Il lui restait moins de quinze minutes pour sortir de chez lui et attraper la première navette qui l'emmènerait à l'autre bout de la ville, dans une zone moderne, une zone commerciale, parsemée de bâtiments de pierre, d'acier et de verre où bientôt les gens allaient affluer en nombre pour consommer.

À votre service chères mesdames, chers messieurs, je suis là pour rendre votre vie meilleure et vous apporter tout ce qui vous manque !

Il sourit à son reflet, comme chaque matin, parce qu'il avait lu dans l'un de ces nombreux bouquins qui fleurissent en cette époque comme les anémones des bois au sortir de l'hiver, des bouquins remplis de bons conseils pour « vivre mieux », qu'il fallait sourire face à son miroir pour que la vie vous sourie. Alors, il sourit. Il se sentait à chaque fois un peu niais, mais il appliquait cette méthode avec sérieux et opiniâtreté. Pour quel résultat ?

Si on te voyait ! Ri-di-cule ! Tu ne ris pas, tu grimaces !

Il but ensuite à la hâte son café soluble fadasse et tiède puis attrapa son blouson accroché à la patère de l'entrée et sortit de son studio pour une journée qui, sans doute, serait semblable à toutes les autres journées de l'année, et de l'année précédente, et de celle d'avant encore.

Dans le bus qui menait Harry à son travail, les passagers, des têtes familières pour la plupart, étaient tantôt endormis, tantôt les yeux rivés sur leur Smartphone ou un tabloïd gratuit attrapé à la hâte avant de monter. 

Depuis quelques semaines cependant, chaque jour, une femme intrigante et sensuelle grimpait dans le bus, deux stations après celle de Harry. Chaque matin elle passait devant lui. Chaque matin elle l'ignorait superbement. Pas même un regard furtif. Rien ! Il était invisible pour elle, tout comme, d'ailleurs, il était invisible pour chacune des femmes qu'il côtoyait ou avait côtoyée par le passé. 

Pour la gente féminine il était transparent comme une baie vitrée trop bien nettoyée. Il sait qu'il n'avait à leurs yeux guère plus de substance qu'un fantôme ! 

Le tueurWhere stories live. Discover now