Chapitre 2.

14 0 0
                                    


Ah si j'étais riche, je suis sûr qu'elle comme d'autres femmes me regarderaient différemment !

Mais il n'était pas riche. 

Avec son modeste salaire mensuel de mille cent cinquante-cinq livres (environ 1300€), il pouvait tout au plus se permettre une séance de cinéma et un resto après avoir payé le loyer, les frais courants, la nourriture et l'abonnement au transport en commun. 

Et encore, pour le resto, son choix se restreignait aux établissements de deuxième voire troisième catégorie. Là où la masse populaire affluait en période de fêtes ou de soldes et s'empiffrait de sel, de sucre et de graisses. 

Trois minutes de retard ce matin !

Harry regardait sa montre quand le bus s'arrêta à l'arrêt le plus proche de son lieu de travail. Encore quelques minutes de marche dans la fraicheur humide du matin, et il serait à nouveau dans ce lieu maudit à scanner bouteilles de soda, paquets de lessives, boites de conserve et autres paquets de chips sans se départir d'un sourire de façade. Il y avait bien quelques clients sympas à la discussion facile, de jolies jeunes filles aux visages d'ange, de vieux papis joviaux et sociables à l'humour bon enfant, mais pour la plupart, la clientèle l'ignorait avec dédain quand elle ne se montrait pas ouvertement antipathique. 

Harry ne pouvait se départir d'une timidité qui le faisait parfois buter sur un mot ou bégayer par instant. 

Et puis, il avait l'impression que les mauvais clients s'étaient tous donné le mot pour défiler à sa caisse. Il se rappelait alors comme une ritournelle le conseil de son chef : « quelle que soit la situation, toujours garder votre sang froid ». Même si, pour ce qui était de s'énerver, son supérieur ne se privait pas de passer ses nerfs sur ses subalternes et en particulier sur Harry. Il le rudoyait sans ménagement à chaque occasion, en d'autres termes, quasiment tous les jours. 

Un petit chefaillon sans envergure qui avait loupé sa vocation de militaire sans nul doute. Il avait tout du petit caporal qui passait sa frustration sur moins gradés que lui.

Quand il l'invectivait, Harry baissait la tête et prenait sur lui sans aucune réaction. Face à des attitudes agressives, Harry était perdu. 

Pour ne rien laisser paraître de ses faiblesses, Harry avait donc inconsciemment fabriqué une carapace autour de sa personne, une carapace qui le faisait paraître sans émotion, sans sentiments, l'image d'un être froid comme un hiver sibérien. Ce qui le rendait encore plus détestable aux yeux de ses détracteurs.

Le tueurWhere stories live. Discover now