Chapitre 4.

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Après avoir déposé sa tenue de travail (rouge pour le haut, noir en bas) dans le casier destiné aux vêtements qui prendront le chemin de la blanchisserie dès demain à la première heure, Harry, en homme prévoyant qu'il était, récupéra une tenue propre et la plaça dans son casier, soigneusement, en évitant tout faux pli. Et comme il avait un peu de temps devant lui, grâce aux trois minutes de gagner sur son temps habituel de travail, il agrafa son badge sur la chemise qu'il utiliserait le lendemain.

Ce sera toujours ça de gagner demain matin.

Trois minutes de travail en moins et, s'en rendait-il soudain compte avec stupeur, il était presque de bonne humeur. 

Trois minutes ! Trois malheureuses minutes qui n'avaient rien changé au déroulé de sa journée. Sa vie tellement plate, monotone et réglée comme du papier à musique l'avait à ce point conditionné qu'il en était réduit à se réjouir d'une poignée de secondes grappillée sur son temps de travail. 

Harry marchait sans hâte vers la station de bus, évitant soigneusement les cacas laissés là par des animaux domestiqués et leurs maîtres peu enclins à s'inquiéter de la propreté des trottoirs. 

Harry s'évada dans ses pensées. Sa mémoire lui rappelait en effet certaines périodes de sa vie plus heureuses, en tout cas moins douloureuses. 

Harry se remémorait sa jeunesse. Il se souvenait des poésies apprises par cœur après une seule courte lecture et récitées à la maitresse sans erreur ni hésitation. Les mots coulaient de son cerveau à sa bouche avec un naturel qui fit dire à l'enseignante que le jeune Harry avait une mémoire d'éléphant à lui ouvrir les portes des plus prestigieuses facultés de médecine. Il n'avait que six ans ! A 11 ans il maitrisait le théorème de Thalès et de Pythagore et les équations à deux inconnues n'avaient plus de secret pour lui. Son professeur lui promettait alors une scolarité couronnée de succès. 

Mais pris en grippe par le petit caïd de sa classe, il était vite devenu son souffre douleur. Ses parents, constatant que le moral de leur fils vacillait en même temps que les notes baissaient (un peu !) l'inscrivirent dans un établissement privé où la discipline « allait de soi », dixit le principal de l'école. Malgré le règlement draconien et les professeurs fermes voire sévères, Harry trouva le moyen de se faire chahuter par ses camarades. 

Il s'agissait de petites taquineries rarement méchantes mais, l'effet de groupe - tous unis pour se moquer de Harry – eut un effet plus dur encore sur son moral déjà bien émoussé. 

Pourquoi rigolaient-ils tous ainsi de lui, sans exception ? Etait-il à ce point différent ? Etait-il anormal ? Souffrait-il d'une déficience dont il était seul à ne pas avoir conscience ? 

Whouaf, whouaf, whouaf

Harry sursauta de frayeur. « Mais vous ne pouvez pas faire attention où vous mettez les pieds jeune homme ? Vous avez failli la blesser.

- Je... je suis désolé Madame. Vraiment... Mais je ne l'ai pas vu...

- Ce n'est pas auprès de moi qu'il faut s'excuser Monsieur. Excusez-vous. Allez ! Elle attend ! »

Elle était accroupie et serrait son animal dans les bras, comme elle aurait pu serrait un nouveau-né, un petit bichon maltais aux poils aussi longs que la crinière d'un cheval. « Excuse-moi...

- Et vous la tutoyer en plus ! Malpoli ! »

Sans trop écouter cette septuagénaire acariâtre, Harry tendit sa main vers le chien. 

Grrrr, objecta l'animal. Alors de peur, il se ravisa bien vite. L'animal était visiblement rancunier... ou de mauvais poil ! 

Harry n'insista pas. « Je dois vous laisser Madame, j'ai mon bus à prendre. Au revoir Madame. » 

La vieille dame le toisa du regard, lança un pff hautain dans les airs et tourna les talons.

Harry accéléra le pas pour arriver à l'arrêt au moins cinq minutes avant l'horaire de passage du bus. Comme il en avait pris l'habitude par peur de louper son bus !

Une fois n'est pas coutume, il était seul à attendre.

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⏰ Last updated: Feb 13, 2019 ⏰

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Le tueurWhere stories live. Discover now