Chapitre 1

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Quand elle longe le lac, la vue de la ville de Goma au coucher du soleil était nostalgique aux yeux de Angolo. Elle lui rappelait les anciens souvenirs d'un père décédé, d'un père mort sous ses yeux dans une lueur rougeâtre similaire à celle qui donnait un caractère mystérieux à ce mosaïque gigantesque.

C'était un dimanche après-midi et tout se déroulait gaiement dans cette petite ville remplie de vivacité. Dans les quartiers de Bazza vibraient le son des chœurs et des instruments de musique. Les femmes vêtues de blouses et de robes multicolores dansaient et chantaient dans les allées. On y entendait des segments de Puissance et Divinité, d'Andanyero Mamamba, des paroles volantes d'Indépendance cha-cha accompagnées de morceaux d'Augustine de Werrason. On y voyait des enfants excités criant de joie courir après un ballon usé assemblé à partir de morceaux de caoutchouc provenant des débris, et d'autres encore qui demandaient à leur père de les pousser sur leur charrue. Tel était le charme et la joie de ce dimanche après-midi de Bazza qui permettait aux plus infortunés d'oublier momentanément sa peine et sa pauvreté en se plongeant dans une atmosphère festive.

Au bord du lac, des enfants se baignaient dans l'eau trouble insouciant de la fraîcheur, et leurs mères frottaient les linges de famille en bavardant avec leurs amies pendant que leurs maris étaient au travail. On faisait garde à l'économie de leur bloc de savon. Les plus infortunés en empruntaient gênées aux moins infortunés, et une fois terminée, on rentrait en chantant le sceau remplie de linges propres sur la tête. Au loin des bateaux blancs partaient chargées de coltans et d'autres minerais partaient vers le Rwanda pour être ensuite triés et envoyés vers les pays de l'Ouest et de l'Est par la voie aérienne.

Angolo était assis pensif sous un palmier. Il ne chantait et ne bavardait pas comme ses compagnons de travail assis à côté de lui, car il réfléchissait d'un air grave à ce qu'il devait faire.

Depuis quelques semaines, la maladie de sa mère Elikia s'aggravait par des toux incessantes et le cœur de Angolo se d'échirait à chaque fois qu'il entendait ce son strident présageant un sort funeste. Les médicaments qu'il s'en procurait au bazar chez le contrebandier hutu Zolé ne semblait pas fonctionner, mais il n'y avait aucun moyen de s'assurer de la nature d'un médicament antirétroviral acheté à prix bas dans le bazar d'une ville de Goma. Il devait à tout prix trouver un moyen d'obtenir assez d'argent pour emmener sa mère à Goma consulter un vrai médecin et lui procurer des traitements, mais ce n'était aucunement une tâche facile avec son métier de minier qui lui procurait à peine de 35 dollars américain pour chaque kilo de coltan miné.

Après avoir poussé un long soupir, il se levait avec ses deux sacs de plastique remplis de minerais qui étaient le fruit de son travail de cette semaine et se dirigeait vers la boutique de Riya.

Vies fragilesWhere stories live. Discover now