✅Prologue suite : Comment se faire prendre la main dans le sac ?

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Nous restâmes une longue minute à nous faire face dans un silence quasi-religieux, où ses yeux ne cessaient d'aller de moi à mes courses en lévitation. J'avais l'habitude. Les quelques spectateurs occasionnels de mes talents réagissaient toujours comme ça. Après tout, c'était compréhensible. En une seconde je bouleversai quand même tout leur univers et tout ce qu'ils pensaient connaître de celui-ci. Ce qui n'était pas rien. Surtout quand on avait plus de trois-quarts de siècle au compteur.

Pour autant, cette fois-ci, à l'inverse des autres fois, je n'avais aucun remord. Peu m'importait, si, après ça, elle était internée dans un asile de fous ou encore une maison de retraite pour séniles avancés. Cette harpie l'avait amplement méritée. Je lui adressai mon plus beau sourire puis, après m'être mentalement réjouis de sa mine décomposée une dernière fois, et ce pour mon plus grand plaisir, je tournai les talons et me dirigeai vers la sortie, mes courses toujours en train de flotter derrière moi.

Au diable la règle numéro 2 sur la nécessité de cacher son identité, j'avais déjà donné suffisamment du mien pour aujourd'hui. Et puis, une personne, ce n'était pas la mer à boire. Personne ne le saurait jamais. Par contre je te prévenais Déesse, le prochain qui venait me chercher des noises ne s'en sortirai pas d'aussi bon compte. J'avais mes limites et elles avaient déjà amplement franchies pour le reste de la journée. Voir même de la semaine.

Je sortis de l'échoppe un sourire triomphant sur les lèvres et ce coup-ci, le vent qui vint me chatouiller le visage me provoqua une réelle satisfaction. Néanmoins ce sentiment ne fut que de courte durée et ma mauvaise humeur ne tarda pas à repointer le bout de son nez, son aura agissant comme une douche froide. Et merde. Voilà ce qui se passait quand on pensait être la plus maligne.

Je balayai l'horizon à sa recherche et la localisai dans la voiture. Evidemment. Elle était assise sur le siège conducteur, ses mains pianotant élégamment le long du volant. Et vu la manière dont elle me regardait à travers le pare-brise, mon petit tour ne lui avait pas échappé. Bon, en même temps, il fallait dire que mes courses étaient encore en train de flotter dans les airs derrière moi. Ça allait être compliqué de tout nier en bloc.

Je laissais un soupir s'échapper librement de mes lèvres. Pourquoi est-ce qu'il fallait toujours qu'elle me surprenne quand je bafouais ses maudites règles ? A croire qu'elle passait ses journées à m'espionner, juste pour avoir le malin plaisir d'intervenir au moindre de mes faux pas. Cette journée s'annonçait définitivement encore plus atroce que la plus atroce de toutes les journées de l'année.

Sans rien changer à la situation dans laquelle j'étais, puisque de toute façon, il était déjà trop tard et qu'il n'y avait pas un rat dehors, autre que nous, je m'avançais d'un pas résolu vers le 4x4. Arrivée à côté, j'ordonnai du doigt aux produits de se ranger dans le coffre, tout en entrant dans l'habitacle, mon paquet de céréales à la main. Etrangement, j'avais l'impression qu'il y faisait encore plus froid que dehors.

Je me laissais tomber silencieusement sur le siège passager, puis accrochais ma ceinture avant de me résoudre à me tourner finalement vers elle.

- T'étais pas censé revenir fin décembre aux dernières nouvelles ?

- C'est ça que tu appelles « faire profil bas » ? Le froid t'aurait-il gelé suffisamment de neurones en moins de 10 minutes pour te rendre suicidaire au point d'en oublier la règle numéro 2 ? me demanda-t-elle d'un ton impérieux qui me fit frémir.

Comment pourrais-je l'oublier, elle me la faisait réciter avec ses 5 autres règles de survie tous les matins quand on était ensemble. Je pense qu'au bout de 16 ans, bientôt 17, je les avais plus qu'assimiler. Elles faisaient carrément partie de moi à ce stade. Sauf quand une enquiquineuse de grand-mère, pour ne pas dire un autre mot plus vulgaire, cherchait à se payer ma tête et me menaçait sans raison valable. Mais bon malheureusement, ça, ce n'était pas son problème, c'était le mien.

Surnaturelle, tome 1: SAVOIRWhere stories live. Discover now