Chap 12: Comment éveiller les doutes de son professeur ?

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- Pourquoi tu n'as pas continué ?

- C'est-à-dire ? demandais-je en feignant de ne pas comprendre.

- Angeline était par terre, tu la tenais et je n'avais pas sifflé la fin du combat.

Je regardais avec attention Donovan De Belloy. Cet homme m'intriguait. Et pour cause, je ne savais pas dans quelle case le ranger. D'un côté, il ne semblait pas me détester comme Hector et en soit c'était une très bonne chose. Il y avait déjà beaucoup trop de monde dans cette case. Pour autant, je n'avais pas non plus l'impression qu'il cherchait réellement à m'aider à survivre à cette école. Il m'avait quand même jeté dans la gueule du loup le matin même, je ne devais pas l'oublier. Enfin dans la gueule d'une vipère plutôt puisque, d'après ce que j'avais entendue, Angeline avait une mère métamorphe vipère. Ce qui expliquait en autre son agilité plus qu'impressionnante. J'entrepris de regarder autour de moi ouvertement afin de gagner du temps. Le bureau de De Belloy était beaucoup plus petit que celui de Miss Amélia, néanmoins ça ne se faisait pas du tout ressentir et contrairement à ce que l'attitude de son propriétaire laissée présager, la pièce dégageait une ambiance assez chaleureuse et sereine. Elle me faisait penser à un vieux chalet perdu en montagne qu'on avait habité pendant 2 mois avec maman il y avait 5 ou 6 ans. Je me rappelais parfaitement de cette planque, car c'était la seule et l'unique où ma mère avait pris le temps de protéger les meubles avec d'énormes draps avant notre départ. Pendant un long moment, j'avais même été persuadé que nous allions y retourner. Mais ça n'avait malheureusement jamais été le cas. Bref, moi qui m'étais imaginé pour son bureau une pièce sinistre rempli d'arme avec en dessous en légende les personnes qu'il avait tuées avec, j'étais bien loin du compte. Donovan n'était peut-être pas totalement le stéréotype même des chasseurs de primes que j'avais l'habitude de côtoyer. Même si, paradoxalement, j'étais déjà sûre et certaine que toutes les histoires que m'avaient racontés les tueurs sur lui étaient belles et bien vraies.

- Je ne l'avais pas remarqué, je pensais que le combat était fini, répondis-je en revenant vers De Belloy.

- Si c'était vraiment le cas tu n'aurais pas attrapé Angeline par la jambe et tu ne l'aurais pas fait tomber, répliqua-t-il du tac au tac.

Mes yeux se perdirent dans le vide avant de revenir vers Donovan De Belloy. Tout le monde dans l'école me prenait pour une pauvre petite idiote d'initiée, il me sous-estimait et se moquait ouvertement de moi. Il suffisait de regarder comment Hector me traitait durant le cours de maniement des armes. Avec lui, j'avais l'impression d'avoir de nouveau 3 ans. Mais Donovan De Belloy, lui, il avait compris. Je ne savais pas si c'était une bonne chose ou non qu'on m'estime un tant soit peu, mais en tout cas, ça me faisait du bien au moral. Surtout après l'humiliation de ce matin. Assis, droit comme un piquet avec un couteau dans les mains qu'il s'amusait à faire tournoyer, je me rendis compte que, curieusement, mon professeur de combat rapproché ne m'inspirait pas le moindre sentiment de peur. J'étais au courant de son histoire pourtant, comme de son palmarès plus qu'impressionnant. Toutefois, quelque chose dans son regard me rendait extrêmement calme. C'était même plus complexe que ça en réalité. Il dégageait un je-ne-sais quoi qui me poussait à me confier. C'était la première fois que j'en ressentais vraiment le besoin et j'ignorais complètement à quoi c'était dû. Après tout il était loin de ressembler à une personne un tant soit peu compréhensible. Non, il semblait plus du genre à crier sur les gens et à leur ordonner de se ressaisir. Et malgré ça...

- Je ne comprends pas ce que vous essayez de me dire monsieur.

Il fronça les sourcils. Il savait que je mentais. Et il savait aussi que je le savais. Pour autant mon cœur refusait toujours de s'emballer. J'étais extrêmement calme par rapport à la situation. Il fallait dire qu'il m'accusait quand même de mentir. Ce n'était pas rien. Cependant mon corps refusait de paniquer. A tel point que pendant quelques secondes je me demandais si ce n'était pas le fait d'un quelconque sortilège. Mais non, il n'y avait aucune odeur de magie dans la pièce dans laquelle nous nous tenions. Et puis, en plus, les autres espèces de surnaturels, tueurs compris, étaient connus pour détester l'odeur et l'utilisation d'enchantement.

- Je vais être totalement transparent avec toi, me dit-il quelques secondes plus tard, tu m'intrigues. Quoi que dises ton dossier, je ne pense pas que tu sois une nouvelle initiée. Enfin surtout je ne pense pas que tu viennes à peine de découvrir que tu n'es pas humaine pour être plus précis.

Il avait lu mon dossier donc. Je me demandais si c'était le cas de chaque professeur. Après tout nous étions si nombreux dans l'école. Et puis mon profil était loin d'être très passionnant et d'attiser la curiosité. Maintenant je comprenais mieux pourquoi maman m'avait forcé à l'apprendre avec autant d'ardeur.

- Pourquoi est-ce que je mentirais ? demandais-je.

- A toi de me le dire.

Nous nous regardâmes un long moment au cours duquel je m'abstins de cligner ne serait-ce qu'une fois des yeux. Mon cœur, lui, continuait à battre sereinement, mais je me devais de m'efforcer à être un tant soit peu vigilante. Même si mon instinct me disait que je n'en avais pas besoin. C'était d'ailleurs la première fois qu'il m'envoyait un tel signal. Lui qui d'habitude s'alarmait pour le moindre petit détail : une seconde de silence en trop, les bruits de pas de quelqu'un qui court dans la rue, le frôlement d'un vêtement... Combien de fois j'avais, sans faire exprès, ensorcelé un innocent qui passait à côté de moi ? Beaucoup trop en tout cas.

- Je peux y aller ? demandais-je quelques secondes après.

Il soupira mais n'ajouta rien sur le sujet. Et pour cause, Donovan De Belloy avait compris que je n'allais rien dire de plus. Mais que surtout, s'il voulait me tirer les vers du nez, il lui faudrait des preuves beaucoup plus convaincantes. Tous les surnaturels de cette école ne lisaient pas aussi bien dans les gens que lui. Il suffisait de prendre Hector. L'avantage c'est que si Donovan De Belloy parlait à Hector de ses doutes, celui-ci ne le prendrait surement pas au sérieux. Enfin bon, il fallait déjà que De Belloy lui en parle. Ce qui ne semblait pas très certain vu comment ses deux là semblaient peu s'apprécier. Même en public, ils s'ignoraient sciemment.

- Tous les jours pendant les trois mois qui viennent je veux te voir sur la piste d'athlétisme dès 6h du matin. Tu y resteras tant que tu n'auras pas finis tes 15 tours de pistes et cela qu'il pleuve ou qu'il vente. Tu commences à partir de lundi. Compris ? s'exclama-t-il en s'enfonçant dans son fauteuil les bras croisés.

J'acquiesçai et me levais sans attendre sa permission. J'avais toujours réussi à me faire discrète et à berner les gens au moins un minimum de temps. Même les chasseurs qui se pointaient chez nous avaient toujours un moment de doute quand ils me voyaient. Etais-je une pauvre humaine là au mauvais moment et au mauvais endroit ? Une captive d'Elena ? Enfin bref, au final même si je détestai ça, j'avais toujours été doué pour berner les gens. Or malheureusement ici, alors que j'en avais le plus besoin, ce talent semblait ne servir à rien. Et c'était justement quand il ne servait à rien que j'étais la plus calme possible. Franchement parfois je me demandais s'il n'y avait pas un truc qui ne tournait pas rond chez moi.

- Tu te faisais souvent mal petite ?

Alors que j'étais à quelques mètres de la porte je m'immobilisais et tournais la tête vers Donovan De Belloy.

- Pourquoi ? demandais-je sans comprendre le moins du monde là où il voulait en venir.

- Généralement quand on lui casse un poignet, un individu lambda émet un semblant de cri ou au minimum une grimace. Pas un soupir, surtout un soupir de nonchalance.

Merde. En plus, je ne m'en étais même pas aperçue. Il fallait vraiment que je fasse plus attention. Je me retournais et traçais jusqu'à la porte avec hâte et entrain oubliant entièrement la douleur que j'avais aux jambes en raison des courbatures que j'avais récoltés lors des derniers jours. Plus rien ne comptait à part une chose, partir d'ici avant de me trahir de nouveau. Ce qui n'allait pas être très difficile avec lui, je le sentais déjà.

Surnaturelle, tome 1: SAVOIROù les histoires vivent. Découvrez maintenant