Chapitre 7 - MAX

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Après une journée mouvementée, je rentre à l'appartement, fatigué. Je passe la porte et lance mes clés sur la table située à l'entrée. Je m'appuis contre la porte et souffle un grand coup. Mes nerfs sont à vif. Mes pensées se dirigent vers Kathleen. Il ne faut pas que je pense à elle, et pourtant je ne peux m'en empêcher. Il y a une tension entre nous qui est flagrante. Je n'arrive pas à la tenir à distance, j'ai besoin de la revoir en dehors de l'espace de travail. Mais trois rendez-vous ? Qu'est ce qu'il me prend ? Lorsqu'elle est arrivée ce matin, son regard pétillant et sa bonne humeur m'ont déstabilisé. Cette fille est magnétique. Elle va finir par m'attirer dans ses filets. L'expression sur son visage, lorsque je me suis approché d'elle, était excitant. Nos regards bloqués, sa bouche légèrement ouverte, prête à m'accueillir. Ces lèvres m'appelaient. Pourquoi je lui ai donné rendez-vous au cinq cent deux ?

— Qu'est ce qu'il t'arrive mec ? Tu es très pâle.

Eric me fait sursauter. Je remplit mes poumons d'air et ouvre les yeux. Il est planté devant moi avec une tête inquiète qui m'est destinée.

— Tout va bien, je dis en m'élançant en direction de la cuisine.

J'entends mon pote emboîter mes pas, jusqu'à la cuisine. Positionné derrière le comptoir de celle-ci, j'ouvre un placard et me saisit de la bouteille de whisky. J'attrape deux verres et les fais glisser sur la surface du meuble. Eric ne dit rien. Il se place face à moi et s'assoit sur un des tabourets à disposition.

J'ai besoin d'un verre. J'ai besoin qu'elle sorte de mes pensées.

— A ce point là, alors ?

Je ne réponds pas et verse l'alcool dans nos verres. Tout en évitant son regard, j'attrape mon verre et boit une longue gorgée du liquide ambré. Je laisse la brûlure de l'alcool faire son effet. Cette sensation est exaltante.

— Ça recommence ?

Ce mec me connait par coeur. Je le vois à son expression. Ces traits sont tirés, son sourire a disparu et son regard sonde le mien. Je n'ai plus été dans cet état depuis mon arrivée à ici, il y a six mois. Pourtant, c'est dur d'oublier. J'ai le cœur lourd ce soir. Je ne veux pas décevoir ce mec, alors je fais ce que j'ai appris à faire le mieux. Je dissimule, je me cache...Je lui cache la vérité.

— Tout vas bien mec, répète-je, elle me déstabilise c'est tout.

— Elle ne lui ressemble pas.

— Je sais...Je souffle d'un air attristé tout en lui répondant afin de lui faire comprendre la sincérité de ma réponse. Mon regard se pose sur mon verre. Je le fais tourner sur lui-même, dans le vide. Mes yeux se perdent dans le vague. Tourmenté, je finis mon verre d'une traite. Je suis tenté de m'en servir un deuxième, mais son souvenir est trop fort. Ma poitrine se compresse. Elle me fait mal.

Après avoir rencontré Dakota en Italie, je suis partie la rejoindre à Amsterdam. J'y ai vécu quatre ans, avant que tout dégénère. Eric est venu me rejoindre deux années après mon arrivée aux Pays-Bas. Les premières années étaient simples, belles et pleines de vie. Toutefois, une succession d'événements a modifié l'ambiance au sein du groupe que l'on était. Mon pote a fini par partir pour un voyage en direction des Etats-Unis. Après quelques mois, il est venu me chercher. Nous avons quitté la France ensemble, après un bref séjour chez mes parents, et je me suis installé chez lui. Depuis, nous sommes de nouveau colocataires.

Dans l'ombre de la baie vitrée, je souris timidement en repensant aux moments où Eric et moi étions en Italie. Habiter avec lui est simple. Je détourne mon regard en direction de mon pote, face à moi. Il est toujours le même à l'exception de quelques rides supplémentaires. Eric a deux ans de plus que moi. A trente ans, il a bien réussi sa vie et possède deux restaurants ici-même. Beau mec, assez costaud. Ces yeux légèrement en amande sont teintés d'un bleu foncé. Ces cheveux bruns frisés lui tombent sur le front. Son sourire charmeur fait craquer les filles. Toutefois, je remarque que ces yeux sont comme les mieux. Nous possédons cette lueur dont nous ne pouvons nous séparer, comme marqué par la vie. Je soupire dans le silence du moment. Quand j'y pense, ce mec sauterait d'un train pour moi. J'ai vraiment une chance de l'avoir à mes côtés. De nouveau, mon regard se perd et je me laisse naviguer dans nos souvenirs. Le temps des ragots, des filles, des soirées où nous étions arrachés. Je suis content d'être ici.

Quand je reviens à moi, je remarque la silhouette d'Eric face aux baies vitrées. Les mains dans les poches et les épaules légèrement tendues, il admire la vue.

Je jette un rapide coup d'œil autour de moi. Notre appartement est grand et convivial, avec une cuisine ouverte sur le salon. Le canapé est disposé au centre de la pièce, permettant d'être au devant de la scène. La vue est magnifique. Situés au quatre vingt deuxième étage, nous surplombons la ville. Le paysage offre une étendue de buildings. De nuit, les lumières s'allument et se transforment, comme un éternel changement. La vue n'est jamais semblable. Lorsque le soleil se couche et se reflète sur tous les bâtiments, je me sens chanceux d'être ici. Pourtant, parfois, l'amertume sonne à ma porte. Je suis changeant, comme ces foutues lumières.

Je rejoins Eric et nous restons silencieux face à la vue sous nos yeux.

— Quelle vue ! Je ne pourrais jamais m'en lasser, dit-il d'un air mélancolique.

Je tourne la tête dans sa direction et je la remarque. Cette lueur est présente. Il pense à elle ce soir. Je le sais, car, moi aussi. Elle me manque.

— Je t'ai entendu crier cette nuit. Ça faisait longtemps que ça n'était pas arrivé, sans réponse Eric essaye de me faire parler.

— Ouais, je réponds simplement. J'évite l'inquiétude de mon meilleur pote. Je ne veux pas qu'il sache que je rêve encore d'elle. Que je m'en veux. Que tout est de ma faute. Il sait tout ce qu'il s'est passé à Amsterdam. Toutefois, la fin est floue pour tout le monde. A l'exception de moi. Les flashbacks ont repris leur cours cette nuit. Je ne veux pas qu'Eric se mette à creuser de nouveau.

— Tu ne sais toujours pas ce qu'il s'est vraiment passé ?

— Pas ce soir, s'il te plait, je me lève et m'enfuis dans ma chambre.

Il y a trop de bruits ce soir, dans ma tête et dans mon coeur... 

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