Cinq cents ans d'attente à tes côtés

Chapitre 4

— Nous avons parlé, répondirent-ils tous deux en même temps, comme des écoliers désobéissants pris la main dans le sac.

Xiao Lan Hua eut la grâce de ne pas le mentionner devant Changheng, mais elle avait aussi expliqué à Dongfang Qingcang qu'ils ne devraient pas passer au stade physique de cette relation avant d'avoir eu l'occasion d'en discuter. Qu'elle ait embrassé Changheng ne comptait pas, apparemment. C'était juste pour sceller le mariage. Ils avaient convenu qu'elle le ferait s'il semblait y avoir un risque que Changheng leur file entre les doigts pour se lancer dans une nouvelle tribulation. Ils s'étaient aussi mis d'accord sur le fait que Dongfang Qingcang et Changheng devraient avoir une conversation en tête à tête car leur relation était bien plus orageuse que celle que Xiao Lan Hua entretenait avec le Dieu de la Guerre. C'était donc en accord avec leur plan si Dongfang Qingcang l'avait entraîné dans un endroit plus discret. Ensuite... bon, il s'était peut-être un peu laissé emporter.

Mais comment était-il censé se faire comprendre autrement ? Avec Xiao Lan Hua, c'était facile. Il n'avait plus jamais douté de ses sentiments depuis Lucheng, quand il s'était torturé l'esprit à se demander s'il devrait lui retirer l'Épingle à Cheveux Cœur-Caché afin d'entendre ce qu'elle pensait de lui. Après cela, ils avaient prononcé leurs vœux sur le Pont des Amants et ils avaient consenti à tant de sacrifices pour être ensemble. Leur confiance était totale. Elle était morte pour lui ; il était mort pour elle. Il n'y avait pas de place pour le doute dans leur relation. L'aimer, être avec elle, c'était si facile. Il lui semblait qu'il la connaissait mieux qu'il se connaissait lui-même. Il n'avait jamais besoin de décrypter ce qu'elle pensait ou ressentait.

Ce qui existait entre lui et Changheng était tout le contraire et cela le perturbait grandement. Le Seigneur Suprême de la Lune avait l'habitude d'être craint et haï, ou craint et révéré. Ses sujets l'aimaient, mais comme un protecteur distant dont ils préféraient ne pas se trouver trop proches s'ils pouvaient l'éviter. Changheng ne le révérait pas. Il ne le craignait même pas. Il savait à l'évidence que sa force était inférieure à celle de Dongfang Qingcang mais cela ne l'avait jamais empêché de l'attaquer.

Il y avait peut-être eu de la haine entre Changheng et lui, au début, mais il savait que cela n'était plus la réalité depuis longtemps. Ils étaient trop semblables, ils avaient tous les deux été proclamés les sauveurs de leurs peuples, qu'importe si cela devait leur coûter la vie ou leurs sentiments. On les avait forcés à s'affronter depuis le début, le Dieu de la Guerre et le Seigneur Suprême de la Lune, et ils s'étaient promis, encore et encore, qu'un vainqueur serait désigné sur le champ de bataille. Pourtant, quand la guerre avait enfin été déclarée, ils ne s'étaient pas battus, trop occupés à essayer de sauver la femme qu'ils aimaient.

À Lucheng, débarrassés du poids de toutes ces attentes, ils s'étaient trouvés à nouveau et étaient devenus frères jurés. Dongfang Qingcang avait été réticent à l'idée de s'engager dans cette amitié car l'autre ne savait rien de la façon dont ils étaient liés au-delà de Yumeng, et pourtant il n'avait pas été capable d'échapper à la puissance magnétique qui les poussait l'un vers l'autre.

Tout cela lui passa par la tête en un instant. Ou peut-être en quelques longues secondes. Il n'avait pas bougé et plaquait toujours Changheng contre un arbre. L'autre ne semblait pas prêt à bouger non plus. Dongfang Qingcang jeta un regard à Xiao Lan Hua. Elle avait l'air amusée.

— Je vous ai vus dans le Miroir de Tjanji, expliqua-t-elle. Alors je suis venue vous chercher avant que vous n'alliez trop loin. Ce serait vraiment mieux si on en parlait d'abord. Et la Forêt de Shuyu n'est pas l'endroit le plus approprié pour cela. Nous devrions retourner à la Demeure de l'Arbitre avant de traumatiser de jeunes fées qui passeraient par ici.