Chapitre 7

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Tom Lyncastel.

La situation est doublement désagréable. S'il s'avère que l'homme qu'on cherche est le fils du président, les conséquences seront assez problématiques. L'enfant parfait qu'on nous a vendu est l'objet de graves enjeux politiques. Le deuxième problème, c'est que je l'ai envoyé balader la veille, et je doute que son orgueil ait apprécié ma façon de faire. Mais à présent, je n'ai pas d'autre choix que d'essayer de me rattraper.

Je m'installe donc à côté de Tom, et demande un cocktail fruité. Il ne cesse de me dévisager d'un air glacial, avant de me demander ce que je fais ici.

"J'essaie de voir ce que ça fait d'avoir 20 ans, tu vois, je fais un effort de sociabilisation."

Ma tentative d'humour tombe à l'eau. Comme ces dernières semaines il aimait bien me taquiner sur mon tempérament misanthrope, je pensais que ça le ferait rire. Mais Tom ne détourne pas le regard et n'esquisse même pas un petit sourire amusé.

"Désolée. Je suis venue m'excuser, j'ai mal agi avec toi.

-Non, c'est pas ton genre, rétorque-t-il sèchement. Mais qu'est-ce que tu fais ici, en France, et pire, dans une soirée privée à laquelle tu n'es pas invitée ?"

Mon coeur accélère. C'est pas vrai, pourquoi garde-t-il une telle rancune envers moi ?

-J'ai demandé à Lou où je pourrais te trouver, elle m'a fait entrer.

-Arrête de mentir, Lou te déteste.

-Donc elle doit nous regarder et savourer de tout son être ce moment où tu me recales comme tu es en train de le faire."

Il lève les yeux au ciel mais ne répond rien. Encouragée, je rapproche mon tabouret du sien.

"Ça te dérange tant que ça que je sois là ?

-Oui. Comme tu m'as clairement fait comprendre que tu ne voulais pas de moi, j'aimerais passer à autre chose.

-J'ai été conne. Hier, quand je t'ai vu avec toutes ces filles avant que tu viennes me voir, je me suis demandée si ce n'était pas pour une espèce de défi ou un truc du genre que tu me parlais. Tu sais, en mode "j'vous parie que celle-là finit dans mon lit avant la fin de l'année"."

Son regard change, je prends confiance.

"Mais hier en rentrant, j'ai paniqué, la sincérité que j'ai lue dans ton regard après que je t'ai rembarré elle me semblait réelle, je m'en suis tellement voulue de t'avoir répondu comme ça."

Je marque une pause, à l'affût de la moindre de ses réactions. Je veux tellement le convaincre que je finis par me sentir réellement coupable. Je croise son regard, plus dur que je ne m'y attendais, mais pas non plus complètement fermé. Je décide de jouer une nouvelle carte et m'éloigne subitement de lui.

"Désolée, je me sens trop bête de me dévoiler comme ça. J'ai l'impression que tes yeux vont me clouer sur place.

-C'est parce que t'es vraiment belle ce soir."

Un instant je crois la partie gagnée et baisse la tête, faussement gênée par ce compliment inattendu. Malheureusement, il ne s'arrête pas là.

"Mais c'est trop gros pour que j'y croie. Je ne sais pas ce que tu cherches, mais puisque tu t'obstines à me baratiner, je m'en vais."

Il se lève, me lance un dernier regard et s'en va.

Je reste un instant hébétée.

C'est ce que j'appelle un gros stop.

Je regarde les gens danser quelques minutes. La déception et la frustration d'avoir échoué assaillent mon coeur, je me sens soudainement fragile. Vulnérable. J'ai besoin de voir Tyler. Je le cherche parmi la foule, appelle son portable et tombe sur sa messagerie.

Je me lève et m'avance vers la piste de danse. Je bouge des coudes pour me déplacer parmi les gens en sueur qui gesticulent mollement. J'aperçois enfin la tête que je connais si bien et me dirige vers lui avec hâte. Je veux lui demander de quitter cette soirée horrible et de sortir, au moins un instant, prendre l'air, histoire de me revigorer. Ensuite, quand j'aurai repris confiance, je retournerai auprès de Tom. Il n'était pas insensible à ce que je lui disais. Il..

Mais alors que seulement quelques mètres et un groupe de danseurs défoncés nous séparent, je repère Lou, cette grande blonde pulpeuse de Floride, agrippée à lui. Un main attachée à son cou, l'autre autour de son torse, elle l'enlace.

Par réflexe, parce que je ne sais pas quoi faire d'autre, je tape de nouveau, frénétiquement, son numéro.

Lou le sort, raccroche et range le téléphone dans la poche arrière du jean de Tyler. Ils rient tous les deux, il se penche pour l'embrasser. Les mains de mon copain descendent plus bas, la rapprochent de lui toujours davantage.

Je ne sens plus mes jambes, je n'entends plus la musique. Je ne sens que mon coeur qui martèle dans ma poitrine, me demandant la permission de sortir de là. Je ne vois plus qu'eux. S'embrassant. S'étreignant avec fougue.

Manquant de m'effondrer, je bouscule une fille qui se met à hurler. J'ai déchiré son t-shirt en essayant de me rattraper. Tyler se retourne, il me voit, il comprend.

Être agent secretWhere stories live. Discover now