Chapitre 4

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Horoku regardait combattre ses élèves. De ces quarante adolescents présents ce jour-là sur les tatamis, seuls trois faisaient partis du groupe de Jigoro. Ces jeunes hommes, d'une vingtaine d'années, vouaient une obéissance aveugle au Maître qui ne les avait pas rejetés, contrairement à la société. Tous trois étaient originaires d'Amérique du Sud et avaient trouvé refuge auprès du Chinois il y avait plusieurs années de cela.

Il leva les yeux vers les mères, les femmes, les sœurs et les amies des élèves, qui les regardaient s'entrainer. Horoku les détestait autant que les haïssait le Maître.

Ce dernier avait l'impression qu'elles n'étaient que des femmes en chaleur lorsqu'elles le regardaient avec autant de discrétion qu'un troupeau d'éléphants montant un escalier de bois. Jigoro n'aimait pas les femmes. Tout comme Shinji, il les méprisait. Sauf que lui, c'était depuis la mort de celle qu'il aimait, Hinano. Elle s'était suicidée à l'hôpital psychiatrique, où elle avait été enfermée à la suite d'une erreur judiciaire. Pour lui empêcher la mort, l'avocat véreux avait conseillé à Jigoro et sa femme de la faire passer pour mentalement déséquilibrée. Elle venait tout juste d'accoucher et le Maître avait gardé le nouveau-né avec lui. Tout cela se passait en Floride, dix-huit ans plus tôt. A la mort d'Hinano, Jigoro avait fui à New-York avec sa fille, Ho Sang. Mais avant, il avait pris soin de brûler sa maison et d'éliminer presque toutes les traces de leur existence... presque...

Il avait élevé avec Horoku, un immigré japonais dont il avait fait la connaissance dans la ville, sa fille. Il avait ensuite ouvert une petite école de kung-fu qui fonctionna tellement bien qu'il dut la transformer en l'immense dojo dans lequel ils se trouvaient actuellement. Il y avait accueilli quatre jeunes qu'il considérait comme ses fils. Quatre enfants qui étaient devenus des jeunes hommes, dont Shinji, et s'occupaient de défendre le passé douteux et douloureux de leur Maître. Jigoro n'avait jamais avoué à sa fille qu'il avait tué un homme, l'avocat véreux. Il pensait que c'était cette découverte qui avait fait fuir Ho Sang. Elle lui manquait tant. Elle était le seul vestige qui lui restait de sa femme... Et il y tenait !

Horoku n'entendit pas le Maître arriver et eut un mouvement de défense lorsque celui-ci posa sa main sur son épaule. Un peu plus loin, deux mères discutaient avec Shinji de leurs fils. Les petits garçons, quant à eux, faisaient un combat lorsque quelqu'un leur expliqua leurs erreurs, un genou à terre pour être à leur hauteur. Cette personne se leva et tourna la tête vers Jigoro. Le Maître, Horoku et Shinji, qui avait laissé les mères à leur discussion, furent comme hypnotisés lorsqu'ils virent Ho Sang...


Damien s'aperçut le premier que Ho Sang était partie, au moment où il allait s'asseoir sur une chaise à côté du canapé sur lequel la jeune fille ne reposait quelques minutes plus tôt. Il se précipita et cogna Vulcain dans sa hâte. Il lui expliqua qu'il venait de réaliser l'absence de la Chinoise. Takeshi murmura :

- Il fallait s'en douter. Elle est allée le revoir.

- De qui parlez-vous, Maître ?, demanda, avec inquiétude, Rê.

- Rapporte-moi le sac de ta sœur, je t'en prie. Vous allez connaître la vérité.

Le vieil homme resta silencieux, assis en tailleur par terre, entouré de Vulcain, Damien et Rachelle. Rê revint et tendit le sac au Maître, qui l'ouvrit et prit un carnet noir. C'était un album dont il tourna quelques pages avant d'en montrer une à la journaliste. Elle la rendit presqu'aussitôt à Takeshi, qui la posa au centre du cercle qu'ils formaient.

- Mais... c'est Lóng !, s'écria Vulcain.

- La photographie a dix ans, expliqua Takeshi.

LóngUnde poveștirile trăiesc. Descoperă acum