Ma chère Myra

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Ma chère petite Myra,

Depuis le 22 avril 2017, date a laquelle tu es arrivée ici, tu as connu une belle avancée. Et dire qu'au départ, tu ne devais être qu'une petite fille ayant peur de l'orage dont l'histoire aurait connue sa fin dès le premier chapitre ! Puis soudain, j'ai revu dans mon esprit toutes ses magnifiques expériences faites avec des enfants, souffrant de troubles mentaux, comme toi. J'en ai vu qui comme toi, s'exprimaient, d'autres qui ne pouvaient prononcer que le peu de mots qu'ils connaissaient et d'autres qui ne pouvaient utiliser que les cris et les "bruits".

Ma première expérience de "grande sœur"car c'est toujours comme ça que je me suis vue vis à vis de ses enfants, bien qu'on ne me l'ai pas demandé, remonte alors que je n'avais que 12 ans. Elle s'appelait Al et elle avait 16 ou 17 ans. Elle jouait avec le bac de son tiroir, faisait tomber ses cartes Titi et Gros minet par terre puis jouait du tam-tam jusqu'à trois heures du matin, m'empêchant de dormir. Heureusement, j'avais remarqué qu'elle aimait beaucoup jouer avec ses clés alors un soir, je lui ai donné juste avant d'aller me coucher en lui disant "Tu joues un moment et ensuite au dodo, Ok ?". Ça à été la nuit la plus calme des deux semaines passées avec elle.

La journée, lorsqu'elle était énervée, il arrivait qu'elle se mordent la main. Il aurait fallu que je lui chante une contine, celle accrochée sur son placard, mais je n'osais pas. Alors je lui prenais la main en lui disant «Ne te mords pas. Ne fais pas ça. Arrête. Tu vas te faire mal". Je ne le faisais pas dans la contrainte. Je voulais juste la protéger. Puis elle est partie. Ou c'est moi qui suis partie, je ne sais plus. Et je ne l'ai plus jamais revue. A a simplement gardé une petite place de choix dans ma mémoire depuis et a largement contribué à me faire grandir.

Plus tard, si ma mémoire est bonne ce fut deux ans après, j'ai rencontré Sh. Comme avec A, j'ai partagé sa chambre. Je rentrais de mes prises en charge et une odeur (plutôt noséabonde mais bon la nourriture de l'hôpital, c'est pas terrible donc bon...) m'accueillait. Je laissais l'infirmière s'en aller puis je me posais sur mon lit pour lui demander si tout allait bien et discuter quelques minutes. Elle me répondait avec ses "hmm", "mama" et "Mia", prénom qu'elle donnait à tout le monde. Au fil des jours, je faisais ta connaissance. Je la taquinais en soulevant ses deux grosses tresses au dessus de sa tête. Parfois elle en riait et parfois elle faisait claquer sa langue sur son palais en signe de mécontentement, ce qui ne m'empêchait pas de continuer !  Je me souviens du soir ou l'infirmer l'avait coucher avec ses attelles de  jour. Je l'avais rappelé  et tout expliquer  (parce qu'ils ont la flemme d'aller chercher la feuille où tout est expliqué). Je me souviens aussitôt du jour où j'étais en colère, pas contre Shayma, mais contre une aide soignante parce qu'elle lui avait lavé les dents avec ma brosse à dents.

Puis vint le jour où je dû partir :
"Je vais te manquer Sh?"
*Hochement de tête négatif.*
J'ai pris ses tresses et je les ai secouées. Elle a ri.
"Moi tu vas me manquer."
J'ai attendu un peu avant de retirer ma question plusieurs fois pour toujours avoir la même réponse. A force de m'entendre dire "Je vais pas te manquer ! Je vais pas te manquer ! T'es sûre ?!" et de l'embêter avec ses cheveux, elle riait en même temps qu'elle faisait son mouvement de tête.

Mais on allait se revoir et de nouveau partager notre chambre. Ce jour là je ne reverrai jamais ma brosse à cheveux : je soupçonne l'aide soignante ayant fait sa valise d'avoir commis un petit impaire.

Mais peu importe les nuits blanches passées alors que je devais rester éveillée et bosser comme une dingue le lendemain, peu importe les odeurs noséabondes, la brosse à dents hors d'usage ou encore la brosse à dents perdue. Parce que ces deux gamines m'ont donné quelque chose de bien plus important et précieux et m'ont permis en outre de te donner le rôle que tu as aujourd'hui, Myra. Celui de parler  des handicapés mentaux, malgré mes maladresses d'auteurs qui ne connait pas assez le sujet, notamment sur le plan médical. Je ne vis pas ça au quotidien. Je vis autre chose et, dans ma vie, j'ai quand même eu l'opportunité de connaître l'expérience. Alors aujourd'hui, et même avant d'ailleurs, ça me tue d'entendre des insultes dont ils sont l'image, même s'ils n'en sont pas le receveur. Et d'ailleurs il n'y a pas que les handicapés mentaux.

Ça m'indigne de voir que des adolescents demandent à changer de chambre car ils "ne supportent plus l'odeur de la merde". Les gars, c'est que quelques jours ! Et ils peuvent tellement vous apporter !

Tu sais Myra, malgré toutes mes maladresses, car comme je le disais je ne suis certainement pas la meilleure personne pour écrire ce texte, je suis tout de même heureuse de l'avoir fait. Parce que aujourd'hui, grâce à toi et a toutes ces formidables personnes qu'on utilise comme une insulte, j'ai participé à un concours ou j'ai fini 2e (cf <3 Waaaaw <3) et où j'ai été pré sélectionnée pour son prix touchant. Et je suis tout aussi heureuse que si je l'avais fait, parce que j'ai le sentiment d'avoir rendu à A et Sh un petit peu de ce qu'elles m'ont rendues.

Alors, malgré le fait que cette histoire soit loin d'être une référence en matière de réalisme sur la vie des malades mentaux (je m'en excuse mais je n'aurais pas la prétention de dire que c'est le cas, car je l'ignore) je tiens à en dedier chaque mot à toutes les personnes qui en souffrent, quelque soit le nom du handicap, parce qu'ils sont biens loin de n'être que cela. Je le dis tardivement, mais pour moi ton histoire, ma petite Myra, à toujours été en l'honneur de ces gens.

Merci à toi A.
Merci à toi Sh.
Merci à toi Myra.

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« J'aurais beaucoup aimé te mettre en vainqueur de ce prix, mais malheureusement les places étaient limitées»

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« J'aurais beaucoup aimé te mettre en vainqueur de ce prix, mais malheureusement les places étaient limitées»


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