Contes & Histoires de Pirates

Le Prince Pirate

Il était une fois, dans le vaste océan qui bordait le continent du Lorion, un capitaine pirate dont le nom faisait trembler tous ceux qui étaient assez courageux pour braver les mers. Le capitaine Christián était si redoutable qu'il parvint en quelques années à rassembler sous ses ordres tous les pirates qui naviguaient dans cette partie du monde. Cette gigantesque flotte s'empara de toutes les îles de l'archipel et en fit un royaume unifié que la Ligue des Marchands du Lorion apprit à craindre. Leurs bateaux lourdement chargés de richesses devaient payer une taxe au Royaume de Luz del Auro s'ils ne voulaient pas être abordés et arraisonnés et, en échange, la flotte des pirates leur garantissait un passage en toute sécurité dans leurs eaux et même au-delà si le paiement était assez conséquent.

D'une charmante jeune femme qui partagea sa vie pendant quelques temps, le Roi Pirate eut un fils qu'il prénomma Aleixo. De sa mère, le garçon hérita une grande beauté et l'incapacité de tenir en place, et de son père il reçut un caractère flamboyant, une grande intelligence, et le commandement de la flotte en héritage lorsqu'il serait assez grand et brave pour obtenir son propre navire. Le prince pirate faisait la fierté du Roi Christián qui ne pouvait rêver meilleur successeur que ce gamin tête brûlée qui savait réfléchir et qui n'oubliait jamais l'importance de l'égalité et de l'amitié.

A vingt ans, Aleixo était devenu l'heureux capitaine de la Fleur d'Ecume, une petite goélette si rapide qu'elle pouvait rattraper n'importe quel navire de la Ligue en un rien de temps avec un bon vent. Son équipage était composé d'une dizaine d'hommes avec lesquels il avait grandi et qui étaient ses meilleurs amis depuis leur plus tendre enfance. Ensemble, ils étaient si efficaces qu'ils en devenaient presque invincibles et le prince Aleixo n'aurait voulu personne d'autre à ses côtés au cœur d'une bataille ou d'une tempête. Leur réputation n'était plus à faire et le seul nom de Fleur d'Ecume suffisait à terrifier les plus vaillants marins de la Ligue des Marchants ou de n'importe quel autre royaume donnant sur l'océan.

Exception faite d'un royaume dont même les pirates n'avaient pas connaissance, si ce n'est au travers de quelques légendes murmurée le soir autour d'un gobelet de rhum. Le Royaume des Profondeurs était bâti si loin sous la surface de la mer que les humains en avaient oublié l'existence. L'inverse, en revanche, n'était pas vrai, et tous les habitants de ce royaume savaient qu'il était très dangereux de remonter au-dessus des vagues parce que rares étaient ceux qui en revenaient sains et saufs.

La Reine Darya des Profondeurs avait quant à elle eu trois fils qu'elle chérissait de tout son cœur. L'aîné, Itsaso serait appelé à régner sur le Royaume à son tour, sans aucun doute conseillé par ses deux frères, Llyr et Saewin. Ils étaient tous les trois différents mais ne s'en appréciaient que davantage. Itsaso était sans aucun doute le plus sage, Llyr le plus généreux et Saewin le plus courageux. Tous les habitants des Profondeurs étaient certains que leurs trois princes sauraient les protéger des menaces venues de la surface. Et ils n'avaient pas tort.

Ce jour-là, la mer était légèrement agitée, baignée par un soleil éblouissant. Comme souvent, Saewin s'était aventuré dans les eaux les moins profondes, à la recherche de trésors oubliés. L'océan prenait régulièrement son dû sur les possessions des humains, et il arrivait souvent que les coraux soient tapissés de pièces d'or aussi étincelantes que des étoiles. Tandis qu'il nageait paisiblement parmi ces éclats de couleur, le prince fut recouvert par une grande ombre qui lui fit lever la tête vers la surface. Un navire le surplombait, filant comme le vent, et il ne put s'empêcher de s'en approcher, curieux de voir s'il ressemblait à toutes les légendes qu'on lui avait racontées. Nageant sur le dos, il accompagna la course du bateau et tendit la main pour effleurer le bois de la coque. Il était hérissé de coquillages, travaillé par l'océan, rude sous ses doigts comme rien de ce qu'il connaissait.