Contes & Histoires de Pirates

🏴‍☠️Le Pavillon Rouge

Il était une fois, dans un modeste port de la Petite Élodée, un capitaine marchand dont la récente fortune lui avait permis de s'offrir son premier navire. Ce n'était pas un grand bateau mais une simple goélette, gracieuse et rapide, que quatre personnes suffisaient à manœuvrer. Le capitaine William Scarlet avait bien conscience qu'il ne pourrait jamais concurrencer les énormes galions de la Ligue des Marchands du Lorion, mais il avait bon espoir de pouvoir négocier quelques marchandises dans les plus petits ports, à moindre coût. En raison de son nom et de la couleur flamboyante de ses cheveux, tout le monde l'appelait «Le Rouge» et c'est pour cela que sa goélette fut baptisée la Jolie Rouge.

Le jour de son voyage inaugural, il faisait un temps radieux et un vent doux soufflait dans la bonne direction, gonflant les voiles blanches de la goélette. La Jolie Rouge quitta le port sous les acclamations de la foule venue lui souhaiter bon voyage et mit le cap sur les Îles Reines pour aller y vendre du bois d'acajou et y acheter des perles. La traversée prit à peine une semaine et se déroula sans encombre, prouvant que la Rouge était un excellent navire et que son équipage connaissait son métier.

Alors que la goélette mouillait paisiblement au port de la Reine Isabella, le capitaine et son équipage logeaient dans une agréable auberge sur la falaise. L'établissement s'appelait Chez Grand-Mère, nom tout à fait adapté à son ambiance très familiale, qui donnait l'impression de se trouver chez soi. Des marchands de tous les horizons se retrouvaient là, dans une cacophonie chantante de langues et de dialectes différents. William avait recommandé à son équipage de se mêler aux autres marchands afin de glaner des informations sur les routes commerciales les plus sûres à emprunter. C'est ainsi qu'il entendit pour la première fois parler du pirate Vicenzo Lopes.

— Cet homme est un véritable fléau, assura la marchande assise face à lui. Il navigue la plupart du temps sous les couleurs du royaume Luz del Auro, mais il est aussi terrible que Barbe Bleue, si ce n'est pire !

Parce que William n'était pas vraiment familier de la piraterie, il n'y connaissait pas grand-chose et savait seulement que Luz del Auro était un royaume auto-proclamé, rassemblant tout ce que l'océan comptait de pirates, brigands et autres hors-la-loi. Il avait surtout entendu des rumeurs, des récits effrayés que l'on partageait le soir au coin du feu, et il se pencha donc en avant, avide d'en apprendre davantage.

— Pire que Barbe Bleue ? releva-t-il avec incrédulité.

— Eh bien il est vrai que Barbe Bleue a réussi l'exploit de tuer sept lieutenants de la Marine Impériale avant d'en pousser un huitième à la désertion pour naviguer à ses côtés et l'épouser. C'est assez difficile de faire pire que ça. Toutefois, Lopes est connu pour dévaliser sans pitié les navires marchands qui croisent près des îles forestières. Sa frégate, le Loup de Mer a une sacrée voilure et peut rattraper n'importe quel navire, même une petite goélette rapide comme la vôtre. À votre place, je m'en méfierai comme de la peste.

William prit bonne note de ces conseils et remercia bien la marchande qui les lui avait donnés. Par prudence, il évita soigneusement de naviguer auprès des îles forestières, même si cela avait un impact important sur son négoce car il faisait avant tout commerce de bois. Qu'à cela ne tienne, il était plein de ressources et il se tourna vers le transport de nourriture et de vins, moins lucratif que celui du bois, mais plus sûr. Il avait quelquefois affaire avec la Ligue des Marchands, tout en travaillant dur pour rester indépendant afin de fixer lui-même ses prix, mais il lui semblait souvent que le métier de capitaine marchand était difficile et assez solitaire.

Un beau jour, alors qu'il se trouvait au port de la Nouvelle Élodée après un nouveau voyage, un négociant de la Ligue vint le trouver pour lui proposer une nouvelle affaire.