Chapitre 3 : D'une chambre à l'autre

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La maison de correction se trouvait en pleine campagne, à environ cent kilomètres de Washington. Le village le plus proche était à une vingtaine de kilomètres, mais il était désert.
Les garçons cherchaient à faire cet acte abominable qu'ils appellent « sexe » avec moi quasiment tous les soirs, et moi je refusais et je me débattais. Mais ils arrivaient quand même à leurs fins, et je restais immobile pendant qu'ils s'amusaient à me pénétrer et à m'arracher les seins. Comme il y avait beaucoup plus de garçons que de filles, il y avait au moins deux ou trois garçons qui nous harcelaient tous les soirs. Pendant ce temps, je pensais au capitaine de police, à ma première fois avec lui. Pour moi, le sexe n'était pas le rapport entre un homme et une femme qui s'aiment, comme dans les livres de la bibliothèque d'en bas, mais un acte jouissif qui permettrait aux garçons de satisfaire leurs envies en se déchaînant sur un corps féminin. La nuit, je ne suis qu'un objet, et le jour, je ne suis qu'un déchet. Les surveillants adoraient me victimiser. « Trauma, fait-ci... Trauma, fait-ça... ». Je n'avais pas d'autre choix que d'obéir, car sinon, c'est le fouet qui m'attendait. En plus, ils me punissaient parce que je ne répondais pas quand ils m'adressaient la parole. Je n'ai prononcé un seul mot depuis que le capitaine m'a touchée. C'était comme si ma gorge était nouée, que le moindre son ne pouvait que m'entraîner vers ma chute. Alors je subis, en silence.

Un jour, l'éducateur qui m'avait emmenée ici, Paolo, est revenu. Il voulait me voir. Nous nous sommes installés dans le bureau du directeur. Il s'est assis, je restais debout. « Alors, tu te plais ici ? » me demanda-t-il. Je n'ai pas répondu. Je suis restée là, aussi droite qu'une statue. Il m'a regardée dans les yeux et s'est approché de moi. Son visage était si proche du mien que je sentais son souffle sur mes joues. Soudain, il ma tourné la tête en prenant mon menton dans sa main et a inspecté mon cou. « Je vois que t'es toujours restée la même pute. C'est bien. » Soudain, il posa ses lèvres sur les miennes. Il fit un suçon par dessus les autres. Cela me faisait mal, et comme à chaque fois, je me suis débattue. « Alors tu me résistes alors que tu as laissé faire le capitaine de police. Je suis si repoussant, c'est ça ? » Il ne comprenait rien, comme les autres. Il m'a poussée sur le bureau pour me mettre dans une position allongée, mais mon pied est parti tout seul. Quand je me suis relevée, il était à terre et se tenait le nez. Il saignait. Il m'a alors prise par la bras et m'a tirée hors du bureau. Quand les surveillants qui se trouvaient dans le couloir ont vu le nez de Paolo, il m'ont relevée violemment, m'ont déshabillée, et m'ont traînée, nue, jusque dans le jardin. Ils m'ont attachée à un poteau de bois. J'ai à peine ressenti le choc du fouet, la douleur ne me faisait plus rien. J'étais déjà meurtrie et habitué aux blessures. Au bout de cinquante coups, il m'ont enfermée dans une chambre d'isolement. Il n'y avait pas de fenêtre, alors le noir régnait dans cette petite pièce. Je n'avais plus rien à part un lit sans drap et un chevet sur lequel il y avait une corde posée, enroulée, le bout bien mis en évidence. Mais je ne l'ai pas touchée. Je me suis recroquevillée sur le sol, et j'ai attendu. La cuisinière passait et faisait glisser, par une trappe incrustée dans la porte, un plateau avec une assiette avec une petite louche de purée une fois par jour, il me semble. Je mangeais et je le refaisais glisser la vaisselle de l'autre côté. Au bout d'un certain temps, qui fut interminable, quelqu'un a ouvert la porte. Je n'ai même pas regardé qui c'était. Cette personne m'a relevée et m'a prise dans ses bras et s'est mise à crier : « Chara ! Ma chérie, mon enfant, je t'ai retrouvée ! » Je n'ai pas eu le temps de lever la tête pour identifier à qui appartiennent ces bras qui me serrent, je me suis évanouie, épuisée.

Quand je me suis réveillée, j'ai vu, au dessus de moi, un plafond blanc qui m'éblouissait. J'entendais un bip sonore fréquent. J'ai tourné la tête. Mon bras était relié à une perfusion. J'ai voulu la retirer. Je me demandais ce que l'on m'avais fait, pourquoi j'étais là. Un homme portant une blouse blanche est entré. « Bonjour, comment vous sentez-vous ? » Il posa sa main sur la mienne pour m'empêcher d'arracher l'aiguille. J'eus un mouvement de recul. C'était un homme que je ne connaissais pas. Qu'est-ce qu'il me voulait ? Pourquoi était-il là ? Voulait-il me faire du mal ? Une femme est alors entrée à son tour dans la chambre et s'est précipitée vers moi. « N'ayez pas peur. Je suis le docteur Masser, et voici Jane, votre infirmière. Vous n'avez rien à craindre, nous sommes là pour vous aider. » Un médecin ? Une infirmière ? C'est quoi ce bordel ? Mais où est-ce que je suis ? Que m'est-il arrivé ? Pleins de questions se disputaient dans ma tête. Je ne savais pas comment réagir. Le médecin me posa des questions : « Est-ce que vous avez mal quelque part ? Ressentez-vous une gêne quelconque ? » Bref, que des questions sur mon état de santé. Le docteur est sorti., mais Jane est restée avec moi. Elle s'est assise sur le lit et m'a parlé avec une voie très apaisante. Elle me répétait que je n'étais pas seule, qu'elle ferait tout pour m'aider, qu'un jour ça irait mieux. Je ne savais pas trop pourquoi elle me disait tout ça, quand soudain elle prononça le mot « hôpital ». C'était là que je me trouvais. Certaines choses prenaient du sens dans ma tête. Une autre femme est entrée dans la chambre, accompagnée du docteur Masser. Elle m'a regardée et s'est assise à la place de Jane. Sur le moment, je ne l'ai pas reconnue. Elle m'a pris la main et s'est mise à pleurer. « Oh ! Ma petite fille chérie ! Je suis tellement désolée ! » Et là, j'ai réalisé. C'était ma mère.

Le soirWhere stories live. Discover now