Celle que j'étais

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"You will always be fond of me. I represent to you all the sins you never had the courage to commit."

Oscar Wilde

            La soirée terminée, Ayaan et moi traversâmes les longs et larges couloirs menant à nos appartements privés. Flanqués de deux gardes, nous ne risquions rien. Selon Ayaan du moins, quant à moi, je n'étais pas rassurée. Nous avions gagné cette première manche, mais qui sait quand est-ce Melech attaquera...

Au détour d'un couloir, j'attrapai Ayaan par le bras, traversée par une soudaine idée.

-Avant que nous nous rentrions, j'aurais quelque chose à te demander, l'interpellai-je.

Il haussa simplement un sourcil interrogateur.

-J'aimerais repasser par mon ancienne chambre, à l'étage des Éléazar, récupérer quelques affaires.

Il plissa les yeux, suspicieux.

Je ne pouvais l'en blâmer, ma proposition était plus qu'étrange. Mais je devais absolument récupérer le journal d'Amara, ou au moins vérifier qu'il était toujours en sureté.

-Pourquoi donc ? Toutes tes affaires ont été amenées dans nos appartements.

Je secouai la tête.

-Pas tous. Certains de mes biens les plus précieux sont cachés, pour que seul moi puisse les trouver.

Ses yeux se mirent à briller intensément.

-Tu as des choses à cacher ? susurra-t-il.

-Comme tout le monde, non ?

Il hésita quelques secondes puis hocha la tête.

-Très bien. Allons-y.

Il fit un bref signe de tête aux gardes et nous empruntâmes un autre couloir.

Évidemment, quand nous arrivâmes, mes parents étaient là.

Magdalena nous accueillit avec nombre de sourires et de manières. Mais dès qu'Ayaan avait le dos tourné, elle ne se gênait pas pour me fusiller du regard. Un soir normal, en somme.

Faisant fi de la nausée qui m'envahit, je gagnais ma chambre d'un pas rapide. Arrivée à la hauteur de la porte, je me tournai vers Ayaan.

-Est-ce que je pourrais être seule ?

-Tu oses me demander ça ?

-Je sais ce que j'ai fait Ayaan. J'ai trahi ta confiance. Mais ce soir, tu as parlé d'unir nos forces, tu as parlé de confiance. Je t'ai fait confiance. Je t'ai accompagné à cette soirée et j'ai fait semblant d'être une autre. Maintenant, la seule chose que je te demande, c'est de me laisser récupérer des affaires intimes, cachées par mes soins. Tu parlais de confiance, à toi de m'offrir la tienne pour quelques minutes.

Sa mâchoire se crispa. Il me fixait, la mine sombre.

-Vas-y, finit-il par dire. Tu as cinq minutes.

Sans attendre, j'entrai dans la chambre et refermai la porte derrière moi.

Je n'eus pas le temps d'admirer les murs et meubles qui avaient été mon quotidien pendant 19 ans. J'aurais aimé retourner contempler les innombrables portraits des Éléazar m'ayant précédé, mais c'était un héritage bien plus précieux que j'étais venue chercher.

La Tour d'Ivoire - Tome 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant