Chapitre II. Loin de France

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Certains avaient senti un frisson mêlant excitation et crainte leur parcourir l'échine à la suite de l'annonce ; d'autres s'étaient précipités aux hublots pour admirer ce qu'ils pensaient être un monde parfaitement nouveau. Leurs attentes furent vite envolées par la vision de champs, de collines, de bosquets, en tout point semblables à ceux que l'on retrouvait dans la province française.

« Mais elles sont où les usines toutes grises avec les cheminées comme chez les Flantier ? avait demandé Théophile, désappointé.

- Nous sommes au-dessus de la campagne, répondit alors Guillaume. Les usines sont plus proches des grandes villes.

- Et les tours qui touchent le ciel ? Et les animaux en métal ? Et les châteaux géants où on se perd facilement ? »

Von Höshteradler expliqua que seuls les châteaux existaient tout en se questionnant sur l'imagination débordante de son ami. Tout en conversant avec ses camarades Atlantide, il repensait à cette journée où il avait pour la dernière fois passé la vieille herse de sa demeure, partant vers l'aérodrome, s'envolant vers l'inconnu. Il comprenait ce sentiment vertigineux. Il jetait de temps à autre des coups d'œil aux autres passagers, essayant de déceler parmi le faible brouhaha ambiant ce qu'il pouvait se dire sur son pays. Il avait touché mot au professeur Blast de l'appréhension que pouvait provoquer ce voyage.

« Nous restons des ennemis malgré notre hospitalité... avait-il face à la compréhension de son professeur et au mépris de son oncle.

- Ennemis ! Ils n'ont que ce mot à la bouche ! avait alors lancé Hermann avant de pester dans sa langue maternelle.

- Tes amis de notre classe sont sans doute bien plus au fait de qui tu es réellement, rassura Florian, soucieux. Mais il est vrai que nous n'avons pas pris la peine d'expliquer plus en détail la situation aux élèves Asgard...

- Ils devront s'y habituer ! conclut fermement le général. »

Blast s'étonnait de la sévérité que portait l'oncle de Guillaume au sujet des relations franco-allemandes. Bien sûr, depuis la guerre qui avait opposé les deux pays, renouer des liens diplomatiques avait été chose ardue mais réalisable, mais convaincre une poignée d'hommes en costume ne saurait convaincre toute une population marquée par le conflit. Le jeune bavarois appréhendait la rencontre entre son peuple et ses camarades, tout comme il redoutait la vertigineuse barrière de la langue. Il avait convenu avec son oncle qu'un membre de la famille von Höshteradler resterait avec les groupes partant pour la ville, loin du château. L'organisation allait devoir être bien plus détaillée à leur arrivée, tant sur l'aspect pratique de la nouvelle vie des élèves de l'Académie que sur le plan éducatif.

« Wilhelm, veux-tu bien aller chercher Herr Nol dans la salle des machines ? demanda Hermann, les bras croisés. Nous ne l'avons quasiment pas vu du voyage !

- Et nous devons préciser la suite des évènements... précisa timidement Blast face à l'autorité du général. »

Guillaume hocha la tête et retourna dans la cabine principale. En traversant l'allée centrale, théâtre de l'effervescence et de la curiosité de ses amis, il sentit bien vite une main agripper son bras. Il manqua de tomber mais se rattrapa au rebord du siège d'Enrico. Il tourna la tête et constata que Théophile, pratiquement allongé sur Gracias, serrait ardemment la manche de sa chemise.

« Dis, tu vas où comme ça ? demanda Good ne prêtant attention à l'encombrement qu'il causait à son voisin de voyage.

- Dans la salle des machines, je vais raccompagner monsieur Nol à la cabine de pilotage.

BCU ou Les murmures des SalvateursWhere stories live. Discover now