BCU ou Les murmures des Salvateurs

Chapitre V. Installation à Adlerhof

Le déjeuner s'était tenu dans une ambiance festive. Franz avait guidé les professeurs et leurs élèves à travers le hall d'entrée du château, une pièce au plafond recouvert de moulures blanches soutenu par deux piliers clairs. Un lustre illuminait la salle d'une lumière chaude et apaisante, tandis que plusieurs entrées de chaque côté donnaient sur les ailes de la demeure. Weissenheimer avait expliqué rapidement où menaient chaque porte et chaque escalier, mais rares étaient ceux à y avoir fait réellement attention. Le regard était bien plus facilement attiré par l'imposant escalier menant aux étages supérieurs, au-dessus duquel était attaché un tableau aux dimensions dignes des plus grands maîtres. C'était un portrait de famille, sobre, représentant un homme et sa femme, leurs trois filles dans des robes chatoyantes et leur petit garçon. Aucun visage n'arborait de sourire, hormis celui du bonhomme vêtu d'un costume aux fossettes laissant entrevoir une malice enfantine. Les élèves Atlantide voyant le tableau se doutèrent de qui étaient représentés ici, mais ils n'eurent pas le temps de chercher leur ami bavarois du regard qu'ils entraient depuis une porte en bois de trois mètres de haut non loin des escaliers à une nouvelle salle. Là encore, le plafond était d'une hauteur inouïe, et c'était désormais plusieurs chandeliers qui baignaient l'atmosphère d'une chaleur singulière. Les murs des deux côtés arboraient des étendards divers, aux couleurs et aux motifs rappelant ceux des vieilles dynasties médiévales, ainsi que des fenêtres touchant à peine le plafond, laissant aux convives le loisir de s'extasier face au paysage estival. Le sol était de dalles usées par le temps, et se tenaient sur ces dallages deux longues tables en bois pouvant accueillir bien d'invités, plus que ce qu'il fallait pour les élèves de l'Académie. Au fond de la salle, en dessous du blason à l'aigle noir entrecroisé de deux drapeaux bavarois, une troisième longue table recouverte d'une nappe s'étalait horizontalement. Les chaises n'étaient placées que d'un côté, celui adossé au mur, permettant aux personnes assises de toiser depuis la petite estrade sur laquelle ils se trouvaient de toiser les nobles âmes attablées. Une chaise, celle du milieu, était bien plus imposante que les autres, arborant à son sommet une sculpture en bois d'aigle aux ailes déployées.

« Vous vous trouvez dans la salle des banquets d'Adlerhof, expliqua Franz Weissenheimer d'une voix forte retentissant en écho. C'est ici que seront servis petits-déjeuners, déjeuners et dîners durant votre séjour. »

Tout en écoutant les consignes du précepteur, les élèves s'asseyaient tout en n'essayant pas de s'approcher de la grande table horizontale. À leurs places se trouvaient des couverts en métal ainsi qu'un verre des plus simples. Certains pestèrent en rappelant que, dans leur demeure à Paris, c'était la vaisselle d'argent et les verres de cristal qui étaient sortis lorsqu'ils passaient à table. Ceux-là avaient d'ailleurs vite remarqué que ces luxes étaient présents sur la grande table, à laquelle personne ne prenait encore place. Une fois que tous les élèves, à l'exception de Guillaume se tenant non loin de son oncle et de sa mère, furent assis, le professeur Blast se fit à nouveau entendre.

« Avant que nous commencions le déjeuner, il me semblait nécessaire de vous présenter nos hôtes ! Vous connaissez déjà tous Hermann von Höshteradler, le général en chef des armées impériales... »

Hermann adressa une mine satisfaite en entendant son grade de la part du professeur français.

« ...ainsi que Bertolt Meinhart, qui se chargera avec le professeur Nol de l'éducation sportive ainsi que du maniement des armes... »

Des murmures de surprise s'envolèrent dans la pièce en entendant cela, mais les Atlantide semblèrent enthousiastes de cette nouvelle. Bien que d'un âge avancé, Meinhart avait été plusieurs fois l'objet d'élogieuses tirades de Guillaume à propos de sa vitalité, de son ardeur et de son esprit.