Chapitre VI. La cité phocéenne

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Il devait être un peu plus de dix-huit heures lorsqu'un train venant de Paris arriva en gare de Marseille. À son bord se trouvaient de nombreux voyageurs venus passer quelques jours au bord de la Méditerranée, bien loin du tumulte de la capitale. Parmi la foule mondaine sortant des wagons, un jeune homme se distinguait de la masse, car portant sur son dos un épais paquetage contenant des tas d'habits et quelques victuailles. Il remit ses lunettes sur son nez et pesta intérieurement.

« Plus jamais je ne prendrai un train de nuit... »

Il demanda à un gentilhomme l'heure qu'il était. Celui-ci jeta un œil à sa montre à gousset et lui répondit.

« Et un retard comme jamais je n'en ai connu... »

Il joua des coudes avec les autres passagers sur le quai puis arriva dans le hall principal. Il se sentait fatigué, car avait passé la journée entière à lire ou à essayer de trouver le sommeil, lui qui avait si mal dormi dans la cabine du train, coincé entre une vieille dame malade et un monsieur dont les ronflements semblaient retentir jusqu'à la locomotive. Pendant qu'il se répétait en son for intérieur que le train de nuit était l'une des pire invention de l'Homme, il sentit une main se poser sur son épaule. Il fit volte-face et constata qu'un jeune homme, son aîné de quelques années, l'interpellait. Il était grand, plus grand que lui, et son visage lui paraissait familier.

« On se connaît ? demanda-t-il.

- Tu es bien Matthias Bannes c'est ça ?

- C'est exact... »

Le grand homme lui tendit sa main en souriant.

« Je suis le frère de Martine, Poquelin ! »

Matthias, étonné, fut toutefois heureux de rencontrer quelqu'un le connaissant, rompant cette molle solitude qui l'entourait jusqu'alors.

« Je vois que ma réputation me précède ! s'exclama-t-il allègrement en serrant la main de l'homme.

- Ma sœur m'a parlé de toi, j'ai essayé de te chercher dans le train pour que nous fassions le trajet ensemble mais impossible de te trouver !

- J'étais en enfer... confia Bannes en se remémorant les heures passées dans le train. Ce fut le pire voyage que j'ai pu faire...

- Que dirais-tu de me raconter tout ça autour d'une table ? Je ne sais pas toi mais je meurs de faim !

- Ce n'est pas de refus ! »

Matthias et Poquelin sortirent de la gare et arrivèrent dans les rues de Marseille, semblant tout aussi agitées que les quais ferroviaires. Les commerces fermaient leur porte devant le crépuscule, tandis que les cafés et restaurants voyaient leurs tables dressées face à l'effervescence des masses affamées. L'air était doux, un air marin prenant aux narines en un parfum de nouveauté. Se faufilant dans les rues en demandant leur chemin aux citadins, ils posèrent le pied sur les pierres du port, contemplant alors les bateaux amarrés, le chant des mouettes et les reflets solaires teintant la Méditerranée d'un feu estival. Les deux comparses ne disaient rien, ils se contentaient de fixer, contemplatifs, cet horizon changeant des boulevards parisiens. Tous deux n'avaient jamais vu cette mer paisible, seulement la fraîcheur de la Manche ou les fracas des vagues de l'Atlantique quand leurs parents les avaient amené prendre quelques congés loin de Paris.

« Et dire que tous les autres doivent être en Allemagne... pensa Matthias, le cœur serré.

- Quelque chose ne va pas ? demanda Poquelin, préoccupé par l'expression mélancolique du jeune homme.

- Non, tout va bien... mentit-il la voix nouée.

- Tu penses à tes amis, c'est ça ?

- Comment peux-tu le savoir ?

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⏰ Last updated: Dec 09, 2023 ⏰

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BCU ou Les murmures des SalvateursWhere stories live. Discover now