Chapitre 8

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 Au bord de la rivière, Liesse feuillette le magazine d'Agatha, tout en étant au téléphone. Le haut parleur ne dérange personne : elle est seule avec sa mère qui retire le barrage de cailloux plus loin.

Pour quelqu'un d'indifférent, tu en parles beaucoup quand même.

– Que veux-tu qu'il m'arrive t'intéressant ici ? réplique Liesse.

On ne sait jamais. C'est peut-être l'occasion de t'encanailler.

– Si tu pouvais arrêter de parler comme un dictionnaire du douzième siècle, Jézabel, merci !

Tu devrais y aller !

‒ Aller où ? De quoi tu me parles ?

Faire connaissance. Va lui parler ! C'est pt'têtre le moment de découvrir des choses.

– Des choses ?

T'as 17 ans, t'es pas une nonne. Profite donc !

‒ Oh, Jéz, tu ne penses qu'à ça !

Liesse coupe le haut parleur et enfile son oreillette. Elle vérifie que sa mère n'a pas entendu. Mais Agatha est toujours plongée dans la déconstruction du tas de cailloux.

Quoi, t'as jamais connu des amours d'été ?

‒ Non, mais, je te dis que le gars est bizarre, qu'il n'a pas l'air d'avoir compris la base de la vie sociale et tu me parles d'amour...

Je te connais un peu. Il t'intrigue, c'est sûr ! Tu m'en as déjà parlé hier.

‒ Que veux-tu que je te raconte d'autre ? Puis, tu délires. Les gens n'ont pas envie de coucher avec toutes les personnes qu'ils trouvent mystérieuses.

Okay, je vais vite en besogne, je sais. Mais, tu viens d'arriver... Et puis, s'entraîner avec un inconnu que tu ne reverras jamais, c'est pas si mal non ? S'il parle pas trop, tant mieux. Fais de même ! T'as quoi à perdre ?

‒ Mon temps précieux qui file déjà ! Je n'ai aucune envie de faire ça.

Quoi ? Tu fais partie des romantiques ? T'attends le prince, la rencontre comme une série Netflix ?

– T'as un souci, Jéz. T'es pas possible, tu sais ?

Liesse, comme d'habitude, fait toujours des reproches à Jézabel en riant. Elle admire sa meilleure amie qui n'a jamais peur de rien.

Un peu de légèreté, ça ne fait pas de mal. Allez, plus sérieusement, t'as encore deux semaines à tuer. Alors vois au moins s'il ne pourrait pas être intéressé.

‒ Je comprends pas pourquoi ça t'intéresse.

Parce que depuis ta rupture avec Bény, tu ne m'avais jamais parlé d'un autre homme.

Un gros blanc s'ensuit.

Ouch, j'ai été trop loin ?

– Non, t'inquiète. Je l'ai oublié, celui-là.

Bien, alors c'est le moment de faire de nouvelles rencontres.

– Je vais raccrocher, menace Liesse, demi riant.

Je dois y aller de toute manière. On s'appelle demain ? Avant que je parte en vacances avec mes cousines ?

– Okay !

Liesse retire son écouteur et passe les dernières pages du magazine sans en lire la moindre ligne.

– Lili, viens te baigner ! implore sa mère toujours dans l'eau.

– Elle est trop froide ! Je ne veux pas que mes lèvres ressemblent à une prune, comme toi !

– Roh... T'es pas drôle !

‒ Non, les gênes de la comédie ont déserté le champ de bataille !

Le cœur en LiesseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant