Chapitre 19

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 Miriam la retient.

‒ Attends ! Il faut le laisser tranquille.

‒ Mais... non, j'ai besoin d'aller lui parler !

‒ Ne me fais pas dire qu'on a eu tort de tout te révéler. Ne pense plus à toi, mais à lui ! Il ne faut pas qu'il soit affaibli pour sa mission.

‒ Il est déjà si troublé ! Je sais que je peux le calmer !

Miriam ne sait clairement pas quoi faire.

‒ Mon instinct me dit de te faire confiance, mais il y a encore tellement d'inconnus sur ce monde. Moi-même, en tant que tutrice humaine, je n'ai pas connaissance de tous leurs secrets... Qui me dit que tu n'es réellement pas créée pour leur faire du tort ?

‒ Mais, mes parents n'ont rien à voir avec tous ça.

‒ Les enfants nés les soirs de lune de pierre ont toujours été considérés comme un danger.

Liesse ne sait pas si ces larmes sont de colère ou de tristesse. Elle les essuie.

‒ Je ne demande qu'à lui parler quelques minutes. C'est promis, je le laisserai tranquille s'il me chasse.

Liesse se sent déchirée à l'intérieur. Comment ces dernières journées si magiques, si pleines de bonheur et de désir ont pu se transformer en cauchemar. Elle préfère ne pas y penser, et se persuade qu'elle aura les bons mots.

‒ Vas-y ! lui dit Miriam, à contrecœur.

Dans son regard, Liesse devine qu'elle est dépassée, et que le mal est déjà fait.

‒ Je n'ai jamais vu Sasha dans cet état alors... Vas-y ! répète-t-elle.

Liesse s'élance sans un autre mot. Elle s'enfonce dans la forêt et ne tarde pas à la trouver, au bord de la rivière, dans ses pensées. Bien que lui tournant le dos, il l'a repérée.

‒ Je ne dois plus te voir.

Mais elle ne se dégonfle pas, piquée.

‒ Sasha, je t'ai écoutée, t'ai offert toute ma confiance, j'aurais pu partir, te traiter de fou, te trouver ignoble... Si tu me dois bien une faveur, c'est de m'écouter plaider ma cause.

‒ Je ne te dois rien ! Si tu as été créée pour me piéger, tout en toi est fait pour m'attendrir, me convaincre. Tu ne sais pas tous les efforts dans lesquels je puise pour me contrôler. Pour m'obliger à ne pas revenir vers toi.

Quelques secondes passent, l'eau de la rivière s'écoule, indifférente aux larmes qui menacent de tomber.

‒ C'est injuste, conclut Liesse.

‒ Tu sais, on ne m'a rien appris de l'amour, rien des vrais sentiments. Ils n'ont pas lieu d'être. Tout ça, c'est trop dangereux.

‒ Tu passes ton temps à répéter ça !

‒ Cela reste sûrement encore abstrait pour toi, mais si tu avais confronté le Mal en personne, tu serais morte d'effroi.

‒ Je ne le prends pas à la légère, mais... je refuse que tu me voies comme une machination d'un ennemi que je ne connais même pas ! Je suis Liesse, je sais qui je suis. Je sais que je crèverai de ton absence !

‒ J'essaie de te faire comprendre qu'on est tous les deux piégés. Notre attirance est biaisée. Si tu n'étais pas née un soir de lune de pierre, je ne t'aurais probablement pas repérée.

‒ Et comment peux-tu en être si sûr ? T'en as rencontré d'autre, des comme moi ?

‒ Non.

‒ Alors ?

Le cœur en LiesseWhere stories live. Discover now