𝟐𝟎.𝐅𝐫𝐚𝐠𝐦𝐞𝐧𝐭𝐬

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Assise sur le canapé près de la fenêtre de sa chambre, Amara fixait l'extérieur sans vraiment le fixer.

Elle était perdue dans ses pensées comme maintenant plusieurs jours.

Elle ne ressentait rien en particulier, mais se sentait vide.

Elle ne parvenait même pas à mettre des mots sur son état.

Elle entendit toquer à la porte et Azélie et Lara entrèrent dans sa chambre en lui souriant.

Elle ne parvint malheureusement pas à leur rendre leur sourire.

Elles s'assirent près d'elle et s'attelèrent chacune à s'occuper d'elle.

Lara fit une natte avec ses cheveux bouclés et la ramena sur le côté en laissant échapper quelques mèches tandis qu'Azélie lui appliqua des soins au visage.

Elles commentaient de temps en temps leur travail, mais Amara ne se rappelait pas vraiment de ce qu'elles disaient.

On eut dit qu'on lui parlait dans une langue étrangère.

Après un grand effort, elle finit par comprendre qu'elles lui proposaient de venir manger avec eux dans la salle à manger, qu'elles avaient préparé un repas spécial pour Andreï qui avait pu enfin sortir de la clinique.

Elle n'en avait nulle envie, mais le visage suppliant qu'Azélie lui présenta brisa sa maigre volonté de refuser.

Elle acquiesça sans un mot et les yeux de cette dernière s'illuminèrent.

Elles se levèrent et dans un mouvement presque machinal, elle se leva à son tour.

Arrivés à la salle à manger, les voix graves des amis russes commencèrent à parvenir à ses oreilles.

Elle eut soudain envie de retourner dans sa chambre et de se faire toute petite.

Elle n'avait nulle envie ou force de croiser son geôlier tout comme il ne voulait certainement pas la voir.

Elle entra dans la salle à manger et fixa le sol avec une détermination qui dépassait ce qu'elle avait pu fournir ces derniers jours.

- Oh! Vous avez réussi à la convaincre. Tu as meilleure mine Amara, ça fait plaisir. Dit Youri avec entrain

Elle fixait la table sans lever les yeux ignorant quoi répondre.

Un silence gênant s'installa et elle sentit les yeux pénétrant du milliardaire fixés sur elle.

- Bon, je vais apporter les boissons fraîches et on pourra commencer à manger.Dit Lara pour couper la gêne qui s'était installé

Le repas se fit dans le silence avec des commentaires de temps en temps. Ils tentaient de la joindre à la discussion, mais elle n'avait nulle envie de parler.

Elle aida ses amies à débarrasser la table puis alors qu'elle s'apprêtait à remonter dans sa chambre.

Lara lui retint le bras et lui proposa de manger le dessert avec eux.

Elle ne put refuser comme à son habitude et elle alla dans le salon avec Lara en attendant qu'Azélie apporte le dessert.

Elle fit attention à ne pas croiser le regard du ténébreux russe qui la suivait des yeux comme un prédateur près à sauter sur sa proie.

Lui aussi n'avait parlé que rarement pendant le repas.

Sa présence le mettant sûrement, mal à l'aise.

- Voilà! Fit Azélie en posant un plateau sur la table-basse.

Tout à coup, l'odeur de muffin lui monta aux nez et elle leva les yeux sur le plateau.

Comme un cercle vicieux, l'esprit d'Amara parvenait à ramener le moindre souvenir, le moindre sentiment douloureux à la surface comme douce souffrance.

Sa mélancolie en était presque risible.

On aurait dit un animal en fin de vie.

Perdue dans ses pensées, Amara n'avait pas remarqué que tout le monde s'était servis et qu'Azélie était en train de l'appeler.

Elle leva les yeux sur cette dernière qui la regardait avec des yeux inquisiteurs, les sourcils froncés d'incompréhension.

Ses yeux se reposaient sur le plateau et avant même qu'elle ne put y réfléchir :

- C'était le dessert préféré de Valentina. Dit-elle une voix monocorde, en fixant le plateau

À nouveau, un silence malaisant s'installa.

Cette fois, ce n'était pas elle qui ne sut quoi dire, mais ses pairs.

Elle se pencha et prit un muffin encore chaud et le croqua.

Une boule commença à se former dans sa gorge.

À chaque mouvement de mastication, elle sentait comme un poignard la transpercer.

C'était une torture sans fin.

- C'est comme ça qu'elle est morte, en mangeant un muffin. Dit-elle en regardant son dessert

Tout à coup, à la surprise de tout le monde, un rire s'échappa de la gorge de la jeune femme puis un autre...

Son rire se transforma en fou rire incontrôlable qui n'avait rien de joyeux.

Une tension sinistre virevoltait dans la pièce.

Lorsqu'elle parvint enfin à s'arrêter, elle les regarda un à un alors qu'ils la dévisageaient.

- Excusez-moi, c'est juste que l'ironie de l'histoire est à en tomber par terre. Elle adorait les muffins au point d'en manger tous les jours et elle en est morte. Le poison avait été bien choisi, sa mort a été lente et douloureuse. Ils y avaient même des ecchymoses sur sa peau alors que l'on ne l'avait même pas frappée. Dit-elle d'une voix détachée en fixant le plateau de muffin

Il eut à nouveau un silence que personne n'osa rompre jusqu'à ce que le milliardaire lui demande :

- Valentina n'est-elle pas morte d'une balle dans la tête. Dit-il comme pour contre-attaquer son argument

Elle leva finalement les yeux sur lui et se pinça la bouche.

Elle fuit son regard et se leva pour s'en aller.

Elle monta dans sa chambre sans accorder un regard derrière elle.

Andreï se retint de lui courir après serrant les accoudoirs de son siège avec vigueur.

Les amies de la jeune femme s'apprêtèrent à la suivre, mais il les défendit.

- Laissez-la seule. Dit-il en se levant

- Pourquoi a-t-elle dit ça ? Demanda Maxim

- Personne ne sait vraiment ce qui s'est passé cette nuit-là. Amara est la seul témoin et elle a refusé de parler de cette nuit avec quiconque Je pense que c'est la première fois qu'elle parle de cette nuit-là. Dit Youri

-Elle a l'air vraiment chamboulé. Elle garde surement beaucoup de chose pour elle même si on n'en sait rien. Dit Azélie

Andreï plaça ses mains dans ses poches fixant l'extérieur l'air songeur.

- On ignore beaucoup de chose, c'est bien ça le problème. Dit-il dos à ses amis

Pendant un bref instant, il avait aperçu le poids du secret que portait la jeune femme.

Cette nuit-là la rongeait encore tout comme la nuit où il avait perdu ses parents.

Ils se ressemblaient bien plus qu'il ne le pensait.

𝕊𝕠𝕦𝕤 𝕝'𝕖𝕞𝕡𝕣𝕚𝕤𝕖 𝕕𝕖 𝕤𝕠𝕟 𝕣𝕖𝕘𝕒𝕣𝕕Where stories live. Discover now