21 - Poignée de main

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Novembre 2204 Après l'Ère Commune


Un grognement sonore résonna dans la chambre. C'était l'estomac contrarié de Luc.

Ellie aussi était contrarié par ce bruit qui la tirait hors de ses songes alors qu'elle venait tout juste de trouver le sommeil. Ça faisait plusieurs jours que leurs nuits étaient entrecoupées de réveils en sursaut. A intervalles irréguliers, les haut-parleurs du couloir se mettaient à cracher une musique virulente. Du rock, du jazz, de la techno, de l'opéra, tout y passait à un volume à rendre chèvre les plus mélomanes.

A l'évidence, Seth trouvait cela insupportable lui aussi car il avait entrepris de mettre hors fonction une à une chaque enceinte hurlante qui croisait sa route ; mais il en restait toujours une qui échappait à son attention, tapie dans un angle en attendant le prochain concert impromptu.

Ellie se redressa dans le lit avec un soupir.

— T'as pas mangé ta ration, reprocha-t-elle à l'estomac vide allongé sur le sol.

— J'avais pas très faim... chipota Luc comme un enfant devant une assiette de haricots verts.

— Mange.

Le ton ferme de la jeune femme coupa toute envie de discussion. L'affamé ronchonna à peine en allant chercher la ration qu'il n'avait pas terminée plus tôt ; il dévissa le bouchon et suçota la pâte nutritive sans bruit.

Ellie aussi avait très faim. Sa maigre réserve de barres chocolatées était déjà épuisée et c'était encore plus difficile de se remettre aux rations infectes après cet échantillon de douceur. Elle soupçonnait Seth de la faire attendre exprès pour qu'elle prenne la mesure de sa dépendance et qu'elle soit plus encline à accepter sa proposition.

— Tu dois manger pour garder des forces, sermonna-t-elle en goûtant l'ironie de ce conseil qu'elle-même n'appliquait pas. On n'a pas besoin que les bruits de ton estomac s'ajoutent à cette musique infernale.

— Ça devrait être plus tranquille maintenant, j'ai entendu du bruit dans le couloir juste avant que le son ne soit coupé la dernière fois. Je pense que Seth a dû débrancher le dernier haut-parleur à portée dans notre secteur.

— J'espère que t'as raison, j'en peux plus des blagues puériles de ton oncle, c'est un vrai gosse.

— Au moins ça nous a confirmé qu'il est toujours en liberté quelque part dans le vaisseau, fringuant et pas prêt à se laisser faire, objecta Luc. Il en a encore sous le capot, tu peux faire confiance à tonton Rémi pour pas lâcher l'affaire, c'est un dur à cuire.

— S'il pouvait nous laisser en dehors de sa petite guéguerre ça m'arrangerait, j'en ai marre de me taper les dommages collatéraux.

— Mon oncle va l'emporter et nous libérer, tu verras.

Ellie ne partageait pas du tout l'enthousiasme aveugle du jeune homme, mais elle n'en dit mot. Falco n'avait aucune chance objective, il ne faisait que prolonger l'agonie en attaquant un géant à coups d'aiguille à coudre ; il était une simple nuisance qui finirait écrasée tôt ou tard.

Trois coups succincts résonnèrent à la porte. Comme à son habitude, Luc s'empressa de trouver refuge dans la salle de bain. L'ombre d'Ellie n'avait pas bougé et il savait qu'il était inutile de chercher à lui faire entendre raison. Résigné, il referma la porte derrière lui.

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