24 - Choisir un camp

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Seth frappa trois fois à la porte de son prisonnier. Il savait pourtant que le jeune homme n'irait pas se terrer dans la salle de bain ; le temps de la soumission docile était révolu. Depuis que sa camarade s'en était allée, Luc manifestait des signes de mauvaise volonté. Son acte de protestation le plus flagrant consistait à rester dans la chambre quand Seth faisait une apparition ; il n'était toutefois pas assez téméraire pour oser s'aventurer plus loin que le bord du lit où il demeurait toujours sagement assis. En réponse, le geôlier se contentait de rester sur le pas de la porte et de lui jeter la nourriture qu'il était venu livrer.

Seth avait pourtant l'impression de se montrer conciliant, aux rations de survie il ajoutait maintenant quelques friandises supplémentaires. Avant les récriminations d'Ellie, il ne s'était pas douté un instant du peu d'appétence qu'avaient les humains pour leurs rations de survie. Il ne savait pas très bien pourquoi il avait cette attention pour son captif ; il n'avait cure de se montrer gentil ; c'était peut-être avant tout pour essayer d'apaiser le garçon. Il sentait bien que les choses évoluaient et qu'un inexorable besoin de rébellion finirait par émerger. S'il pouvait repousser un tant soit peu cet instant avec un geste qui ne lui coûtait rien, c'était bon à prendre.

Comme il était dorénavant de coutume, l'ombre de Luc attendait sur le lit cette fois encore. Seth lui lança un paquet de cacahuètes salées comme on nourrit un singe en cage et referma la porte immédiatement après. Pas un mot ne fut échangé.

Cette situation ne pouvait plus durer. Ça faisait des jours qu'Ellie était partie rejoindre Falco et rien n'avait changé. Si ; la température était revenue à un 20°C confortable pour les humains, mais c'était bien le moindre des soucis de Seth dans la mesure où il ne craignait pas le froid. Les concertos impromptus avaient cessé également, mais il s'en fichait puisqu'il avait démoli tous les haut-parleurs à proximité de la cabine de pilotage où il passait la majeure partie de son temps. Ellie avait peut-être calmé les envies de provocations idiotes de Falco, cependant elle n'avait pour l'instant rien fait qui montre sa volonté d'aider à la capture du mécanicien.

Seth commençait à émettre des doutes sur la jeune femme. Allait-elle réellement l'aider ou en avait-elle juste profité pour retrouver une liberté illusoire ? De toute façon, si elle souhaitait reconstituer sa réserve diminuante de nourriture, elle allait devoir convaincre son complice du sérieux de son engagement. La faim et la gourmandise restaient les meilleures alliées du geôlier. Il donnait encore quelques jours à la jeune femme ; ensuite, il serait obligé d'intervenir.


⭐⭐⭐


Les moutons semblaient s'être bien remis de leur courte période de restriction alimentaire ; Ellie était soulagée. Elle allait les voir tous les jours, davantage pour faire une pause loin de Falco que pour le plaisir de nettoyer un tapis de crottin sans cesse renouvelé.

La jeune femme était satisfaite de son action pour le moment ; elle avait à moitié convaincu le mécanicien que ses enfantillages avec la température de l'eau et de l'air étaient au mieux inutiles, au pire un fardeau supplémentaire pour Luc qui n'avait pas besoin qu'on aggrave sa situation déjà peu enviable. Falco avait accepté de lever le pied sur les manipulations puériles et de se concentrer sur des choses plus profitables comme le contrôle des portes qui s'obstinait à lui filer entre les doigts.

Seth ne bloquait plus systématiquement tous les accès depuis que le mécanicien se terrait en salle des machines. Il avait bien compris que l'homme n'osait plus s'aventurer dans les zones sans éclairage car il le craignait. Toutefois, si Falco comptait piéger et enfermer à son tour l'ennemi qui se promenait en liberté à bord du Stockholm, il avait besoin de pouvoir verrouiller au moins une porte stratégique derrière lui.

StockholmWhere stories live. Discover now