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— Faîtes attention à ne pas glisser.

Prudemment, je monte sur le pont jusqu'à atteindre la porte et entrer dans son habitation atypique.

Mais qu'est-ce que je fiche ici ? La réponse s'avère simple : lorsqu'Ayden est revenu le lendemain, j'ai fini par accepter. Voilà pourquoi je me retrouve sur son bateau, un dimanche à une heure si matinale.

Le soleil se lève timidement, la température fraîche amène mes doigts à rougir. Malgré tout, j'apprécie cette solitude aux aurores. Le village entier encore endormi, j'ai l'impression d'être une privilégiée.

Mon hôte décroche la corde qui nous retenait au port et se dirige vers la cabine du conducteur. En ce qui me concerne, je reste dans le salon, empotée. Quelques minutes plus tard, il ressort et me rejoint, les sourcils froncés.

— Vous pouvez venir avec moi, si vous voulez, me propose-t-il.

— Oh, hum, oui, balbutié-je, prise de court.

Sans un mot, nous prenons place dans ce compartiment. Il n'est pas très grand ; aucune autre personne ne rentrerait là. Il s'installe sur le siège, face au volant en bois. Quant à moi, je déniche un siège sur un rebord. Je n'avais jamais eu l'occasion de découvrir ce genre d'endroit. Fascinée, je l'observe sortir du port avec agilité. Concentré sur sa tâche, ses yeux fixent l'horizon. Il dégage une force tranquille stupéfiante.

Lorsque nous commençons à naviguer, l'ambiance devient lourde. Lui a sûrement l'habitude de la solitude. Seulement, je suis accoutumée à la discussion des clients alors, j'engage la conversation :

— Vous savez conduire ce genre d'engin depuis quand ?

— Pour commencer, que diriez-vous de nous tutoyer ?

— Hum, d'accord.

Arrête de te mettre autant de barrières, Rosalie. Voilà qu'il vient d'en briser une autre, réduisant la distance que je m'efforce d'instaurer entre nous.

— Parfait. Pour répondre à ta question, j'ai toujours aimé l'eau. Alors, dès que j'ai pu, j'ai passé le permis. Depuis, je ne quitte plus la mer.

J'acquiesce, ce qui s'avère stupide puisque je me situe derrière lui. Dès qu'il parle de cette étendue d'eau, il paraît s'apaiser, comme s'il était en osmose avec elle.

— Pourquoi avez-vous un tel attachement à la mer ? m'enquiers-je prudemment.

— As-tu, me corrige-t-il doucement.

— Désolée.

Il me sourit rapidement puis se focalise à nouveau sur l'horizon. Ses épaules semblent détendues, il a l'air d'un autre homme. Perturbée, je l'admire, sous la lumière du soleil qui se lève progressivement.

— Je suis un amoureux de la solitude. Quand tu navigues seul, tu peux être toi-même. Tu comprends ?

— Je crois, oui.

— Et toi ? Quel est ton refuge ?

Ramenant mes genoux contre ma poitrine, je m'extasie face à ce panorama splendide durant une poignée de secondes. Le ciel rosé se reflète à merveille sur les flots étincelants de mille nuances.

— La falaise, murmuré-je, le regard dans le vague, pendant la nuit. L'unique bruit qu'elle produit, c'est celui des vagues qui s'écrasent contre elle. Le vent aussi.

Il acquiesce, comme s'il approuvait.

Je distingue encore les côtes, ce qui a le don de me rassurer. Être entourée seulement de bleu à perte de vue m'effraierait. Quiète, je m'éveille au rythme des mouvements du bateau. Je ne pensais pas me sentir aussi bien, avec un inconnu. L'embarcation bifurque sur la droite, longeant la terre.

Avec ou sans sucre ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant