La machine

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Après la bataille, on rentre à la maison. Simon va à la douche et moi... Je me retrouve dans le panier à linge sale. J'aurai penser que les héros connaissaient une vraie reconnaissance, mais je me trompais!

Je suis emportée, ballottée par les flots terrifiants du panier de linge se balançant au rythme irrégulier des bras du père de Simon! J'essaie d'arrêter le panier par mon "pouvoir gigantuesque", mais Simon a du trop l'utiliser lors de la bataille, car il ne marche plus.

Soudain, tout s'arrête, et je me retrouve fourrée dans un petit espace, comme l'intérieur d'un vaisseau spatial. J'y suis entassée avec les chemises, pantalons, chaussettes et les autres sous-vêtements que je ne citerai pas. On parle d'eux partout, je ne leur ferai pas de publicité supplémentaire.

Non. J'ai dit non ! N-O-N. Je ne veux pas parler d'eux.



Bon... d'accord, si vous insistez, je m'incline!

En vérité, je ne leur ai jamais vraiment parlé. Dans ma tête, ce sont "eux". Ceux que les autres préfèrent. Ceux que les autres choisissent avec soin. Toute la publicité est concentrée sur eux... Ils ne le méritent même pas! Je suis sûre qu'ils sont très prétentieux, en plus. C'est ce qui se dit parmi les chaussettes. Si tout le monde le pense, ça doit bien être vrai. C'est une chaussett... je veux dire une chose établie! Ils sont bien trop différents de nous, c'est évident que l'on ne s'entendrait pas. Pas vrai?

Nous les chaussettes, on est différentes. Quand il fait froid dehors, nous sommes le réconfort des gens. Qui ne rêve pas lorsqu'il est frigorifié de chaussettes fourrées, toutes chaudes, chaleureuses? Qui n'a jamais sourit mélancoliquement en retrouvant une chaussette minuscule de pied de bébé? Qui n'a jamais porté de chaussettes à motif juste pour le sourire qu'elles font naître sur le visage ?

Les autres sous vêtements visent généralement à se "mettre en valeur"...
Nous les chaussettes, on veut juste vous mettre à l'aise !

Quelque chose ne va pas.

Je commence à tourner sur moi-même, tout doucement, lentement... Puis de plus en plus rapidement. La machine infernale se déchaîne avec de plus en plus de force, je ne contrôle plus rien! Je ne vois plus rien! Je ne suis qu'une paire de chaussette trempée parmi des kilos et des kilos de vêtements... Je me perds, me déroulant comme une pelote de laine.

C'est étrange, cette impression que l'on a lorsque l'on fait partie d'une foule. Emportés, on ne peut plus rien faire, on est que mouvement... On cesse d'exister par nous-même. Les petites différences qui nous définissaient, que l'on aimait ou détestaient... Tout cela est effacé par un même mouvement, un même moment, une même détresse, ou au contraire une même joie. Qu'importe que l'on soit chaussette, t-shirt, et même pantalon! On se retrouve ensemble, par la force des evènements, pour le meilleur... Et pour le pire.

Aussi bizarre qu'étrange, décidément.

Au bout d'une éternité, la machine s'arrête. Ouf!

On me sort de la machine, et m'accroche pour m'égoutter.

Je suis trempée.

Trouver chaussette à son piedOù les histoires vivent. Découvrez maintenant