Chapitre 1

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Dix-neuf ans avaient passé. Le petit garçon avait laissé place à un grand jeune homme. Il s'était teint définitivement les cheveux en rouge, qu'il avait long et en bataille, de nombreux épis désordonnés sur le sommet du crâne. Le visage rasé de près, la mâchoire volontaire, une cicatrice qui venait redessiner celle-ci ; il n'avait plus rien de l'enfant qu'il était alors. Il lui était arrivé tant de choses depuis le meurtre de ses parents.

Après avoir fuit le cadavre de sa famille, il s'était réfugié chez la Mamouni qui l'avait recueilli. Pendant des semaines, il était resté enfermé la plupart du temps dans l'arrière boutique où il y avait établi son campement de fortune qui se résumait à quelques draps, à regarder la montre de sa mère qu'il avait mis autour de son cou. La chaîne, trop grande, en faisait deux fois le tour. C'était une belle montre que sa mère avait réussi à voler à un riche lors d'une passe. Elle était assez lourde, gravée de multiples reliefs dont il pouvait en caresser les formes durant des heures. Malgré son côté délavé, elle devait valoir une fortune.

Un mois plus tard, il eût assez de courage pour sortir de son antre. La Mamouni en profita pour lui demander sa contribution au fonctionnement de la boutique en échange de son logement provisoire, le temps qu'il puisse trouver que faire désormais. Il était évident qu'il ne pouvait pas rester là toute sa vie. Il n'empêche que le petit garçon ne savait pas ce qu'il devait faire désormais ; il avait tout perdu.

Un autre mois passa. Alors que le petit garçon se trouvait à nouveau dans l'arrière boutique avec la montre de sa mère, un grand bruit retentit à l'entrée. Il osa glisser un œil furtif dans le magasin pour voir trois hommes armés de couteaux, menaçant la Mamouni. Le petit garçon se sentit lâche de ne pas pouvoir réagir. Il était paralysé par la terreur. Il ne savait pas ce que voulaient les hommes de la boutique. Il n'y avait rien de très intéressant ici ; ce n'était juste qu'un modeste magasin de pains rassis pour les pauvres du quartier, ces pauvres enfants orphelins, ces pauvres vieux ivrognes.

Il tourna la tête et vit une barre en fer posé sur le mur juste à côté de lui, qui avait l'air de n'attendre que de se retrouver entre ses mains. Ses reflets argentés sous la couche de rouille lui lançaient comme un appel, un appel à la saisir et à la brandir contre ces hommes qui voulaient faire du mal à celle qui l'avait recueilli au moment où il était au plus mal, et qui était toujours là pour lui. Il glissa à nouveau un regard dans la pièce pour voir la Mamouni qui s'était dressée devant ses adversaires. Elle paraissait minuscule à côté d'eux, au point de ne pas pouvoir prendre au sérieux ses petits poings serrés devant son visage,prête à en découdre. Le petit garçon ne savait pas pourquoi ils étaient là, le plus important étant le fait qu'ils menaçaient la Mamouni et qu'il devait donc faire quelque chose. Mais il ne savait pas quoi. Il était jeune. Il était faible. Il ne servait à rien.C'est à peine si il pourrait porter la barre en fer.

Pendant qu'il se morfondait dans sa faiblesse, les trois hommes entamèrent une discussion animée avec la Mamouni. En fait, ils étaient tout simplement venus lui voler tout ce qu'elle possédait sans en avoir quelque chose à faire du fait que c'était la seule personne à procurer le peu de nourriture qu'elle arrivait à obtenir aux habitants du quartier. Les trois énergumènes menaçaient donc la Mamouni de leurs couteaux rouillés imbibés du sang séché d'autres proies en lui ordonnant, en toute simplicité, de quitter la boutique qui devenait désormais propriété des Makusem. La Mamouni ouvrit alors de grands yeux et se mit à rire.

_Vous ! Du Makusem ! La plus grande organisation d'assassin du Royaume de Phén ! Vos humours sont à la hauteur de vos crédibilités, « Messieurs » ! dit-elle dans un langage plus ou moins compréhensible. Rares étaient les personnes pouvant aisément discuter dans une langue plus que correcte ici ; cela était réservé aux « gens de la Haute », comme ils disaient. La Mamouni était malgré tout celle qui savait le mieux parler du quartier, ce qui facilitait donc les transactions.

Le Prince de PhénWo Geschichten leben. Entdecke jetzt