Chapitre 3

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Arrivant à proximité du centre du quartier, il tira sur la chaîne autour de son cou pour sortir la montre de sa mère et l'ouvrit : il était une heure du matin. Il se résolut donc à aller à l'auberge la plus proche afin de finir la nuit du mieux possible. Il profita du léger filet d'eau qui coulait d'un robinet rouillé pour nettoyer ses deux lames et l'entaille qu'il avait à la pommette, puis s'avança en face d'une auberge surmontée d'une tête de cochon coupée. C'était l'auberge du Cochon Pendu. Il se décida à y entrer.

L'endroit était sale, évidemment. Ce n'était qu'un bourbier, où venait se retrouver différents assassins, voleurs, meurtriers, pour organiser leurs plans d'action. A gauche se profilait le comptoir, couvert de crasse, d'aliments en tout genre, prédigérés pour certains ; à droite, des tables et des chaises en bois, qui tombaient en morceaux, victimes des rixes habituelles des clients sous le coup de l'alcool.

Sans même un bonjour il jeta quelques pièces sur le comptoir, pour quelques heures et un peu de nourriture avec un bac rempli d'eau pour se laver, sans s'attarder sur les quelques hommes assis aux tables qui le toisaient, la mousse de bière au visage, les doigts gras du poulet qu'ils avaient dévoré. Cela pouvait paraître étonnant tout ce monde encore levé en cette heure tardive, qui plus est entrain de manger du poulet et de boire de la bière ; mais ce quartier ne dormait jamais, et étant donné le fait qu'il était déjà assez rare pour les gens d'avoir de quoi se nourrir, dès qu'ils le pouvaient, quelque soit l'heure, une bonne ripaille n'était jamais de refus.

Alors qu'il s'apprêtait à monter à l'étage, l'un des hommes l'interpella :

_Hé! Étranger ! Que dirais-tu d'faire quelques parties d'cartes av'c nous ? Vu l'taille de ta bourse, ça devrait pas t'poser trop d'problèmes, nan ?

Le jeune homme se retourna, le visage fermé comme à son habitude. L'homme s'était levé, le ventre proéminent, un sourire sournois aux lèvres. Derrière lui, les autres gros hommes le regardaient, avec cette fois un sourire niais sur le visage. Il était facile de deviner qui était le chef : celui qui avait tenu le plus l'alcool, qui était le plus gros et qui était le plus gras. C'était encore un autre groupe d'individus qui en voulait à son argent. Mais le jeune homme n'avait pas que cela à faire. Il lui répondit donc :

_Ce serait avec plaisir, si je n'avais pas sommeil. Je t'invite donc à te rasseoir et à continuer celle que tu faisais avant mon arrivée avec tes... amis.

Il préleva une poignée de pièces dans sa bourse et la jeta sur l'homme, abasourdi.

_Je vous paie votre tournée. Passez une bonne soirée.

Et il s'en alla à l'étage, sous les bruits de lutte et de douleur des hommes qui se battaient pour ramasser les pièces sur le sol.

Il n'avait même pas jeté un coup d'œil au propriétaire de l'auberge. Celui-ci toqua justement à sa porte, puis entra suite à l'acquiescement du jeune homme. C'était un homme assez sec, la moustache longue et fine, les mains calleuses par le travail. Tout le contraire de sa femme, large, les mains rouges, qui le précédait. Mais ce n'était pas le plus important pour lui. Il attendit que l'aubergiste finisse d'installer le bac que sa femme s'empressa de remplir, un œil en biais, dans la direction du jeune homme. Elle avait moyennement apprécié la façon dont le jeune homme s'était comporté en bas, en lançant sa monnaie au vent comme des graines aux poules. Mais l'aubergiste se doit de se soumettre à ses clients, pourvu que ceux-ci ont de quoi payer.

Lejeune homme attendit leur départ de sa chambre pour se déshabiller. On pouvait apercevoir de multiples cicatrices sur son dos, des entailles lui laissant de larges taches brunes, et une cicatrice, noire, en forme d'étoile, là où se situait son cœur. Il était musclé, résultat de longues années d'expérience ; il prenait soin de son corps. Le dos bien dessiné, les épaules assez larges,il était bien fait. Il s'assit dans le bac plein d'eau et s'attarda sur la cicatrice sur son cœur en faisant sa toilette, tout en repensant à son origine.

Le Prince de PhénWhere stories live. Discover now