Chapitre 2

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            Le petit garçon était devenu un jeune homme. Il se trouvait actuellement devant la ruelle où s'était déroulé le drame qui avait tout déclenché. La ruelle où était morte toute sa famille. Où du sang avait coulé en abondance sur le sol et sur les murs. Où un changement s'était produit dans le cœur du petit garçon. Désormais grand, les souvenirs de ce qu'il avait découvert en rentrant de chez la Mamouni étaient confus. Il ne lui restait que cette vision de rouge, et l'odeur de mort qui régnait partout autour de lui, jusqu'à en imprégner ses vêtements. Et le visage de sa mère. Ce doux et merveilleux visage, dont la beauté était inexplicablement rehaussé par le vermeil qui venait lui dessiner de jolis contours au niveau des pommettes, et qui décorait ses lèvres à la perfection. Ces lèvres qui ne viendraient plus jamais embrasser son petit front avant de s'endormir auprès de ses nombreux frères et sœurs. Ces lèvres souvent frappées violemment par les jointures de son mari. Ses lèvres qui avaient aussi fait sa réputation parmi la communauté masculine du quartier, lui valant ainsi le formidable surnom de la « Noble Pompeuse des pauvres ».

Mais tout cela était derrière lui désormais. C'est pourquoi il se dirigea ensuite sans un regard en arrière vers la vieille épicerie de la Mamouni, dont il en restait encore quelques traces malgré le temps qui s'était écoulé depuis. Le quartier en lui-même n'avait pas tellement changé non plus, sauf peut-être de part l'augmentation de son niveau de pauvreté. Déjà que la situation était critique durant l'enfance du petit garçon, mais aujourd'hui on en venait à se demander comment les gens réussissaient à continuer de vivre dans des conditions pareilles. Cela en était presque impressionnant. Mais pas pour le jeune homme qui continuait à avancer sans regarder où il mettait les pieds, et qui ne voyait pas l'intérêt de s'attarder sur des détails aussi futiles que ceux qui pourraient peut-être lui rappeler des choses de son enfance. Il arriva donc devant le lieu-dit.

Mis à part un morceau de mur à droite, il ne restait plus rien. Tout avait disparu, comme aspiré par une force puissante et étrange. C'est ce qui s'était justement produit. Il resta planté devant cette scène. Inébranlable. Pendant des heures. Et alors que la pénombre commençait à s'installer, quatre hommes se glissèrent silencieusement jusqu'à lui. C'était des voleurs. Rien de très rassurant pour n'importe qui, mais pas pour le jeune homme qui les avait repéré depuis leur première apparition derrière lui pour le surveiller et attendre que la nuit tombe. Il est vrai qu'il attirait l'attention avec son long manteau de cuir qui cachait peu les deux épées qu'il avait à ses côtés, et avec l'épée à large lame enveloppée par des bandages dans son dos, dont on ne voyait que la poignée d'où pendait une chaîne délavée par le temps.

Il attendit donc, avec une certaine impatience il est vrai, que les voleurs se rapprochent de lui pour soudain se retourner brutalement vers eux, les mains sur le pommeau de ses épées.

_ Bonsoir messieurs. Comme la lune est belle aujourd'hui. Puis-je vous aider en quoi que ce soit en cette si belle soirée d'été ? Demanda t-il.

Les voleurs en furent déconcertés. Déjà par le fait qu'il ait réussi à détecter leur présence, mais aussi par sa désinvolture devant quatre hommes qui s'apprêtaient certainement à le dépouiller et à le tuer, à la vue de leur pauvreté et absence de considération pour autrui apparente. Celui qui semblait être le chef s'approcha de lui. Il faisait plus assassin que voleur avec tout son attirail et la manière dont il était vêtu : la capuche qui cachait vainement ses cheveux bruns en bataille, le foulard qui s'arrêtait jusque sous ses yeux d'un bleu perçant, l'ensemble de cuir noir comme la nuit avec les multiples dagues sur le torse et les jambes, et ses couteaux à la main. Les autres ne formaient finalement qu'un ramassis de pauvres hommes récupérés sans doute au coin de la rue dans la volonté d'en faire quelque chose d'utile, alors qu'ils faisaient peine à voir avec ce peu de crédibilité. Le soi-disant chef, donc, lui répondit :

Le Prince de PhénWhere stories live. Discover now